Le metteur en scène Jérémie Lippmann a conçu avec son frère Basile Dell un bel ouvrage photographique sur la ville lumière, Paris à vol d’oiseau. Rencontre téléphonique avec ce passionné de la vie, qui nous parle de son livre, mais également de la chanteuse Dani et de ses projets.
Lequel des deux frères a eu l’idée de jouer avec son drone ?
Jérémie Lippmann : Depuis tout petit je fais du modélisme et, bien avant que cela ne soit accessible partout, je construisais mes propres drones. Cela me prenait des heures pour trouver toutes les pièces nécessaires. Un de mes rêves était de voler comme un oiseau, alors j’ai eu l’idée d’accrocher une caméra à un drone pour voir le monde d’en haut. C’est à ce moment-là que mon frère qui est photographe a été intéressé par mes joujoux. C’était il y a 15 ans. Comme nous étions dans les premiers à proposer ce concept, nous avons promené nos drones dans le monde entier, pour la télévision, pour des émissions comme Thalassa, pour la presse, etc. L’idée de l’oiseau était toujours là, c’est ainsi qu’est venue l’idée de le faire voler au-dessus de Paris.
Pourquoi un oiseau ? Pourquoi Paris ?
Jérémie Lippmann : Parce qu’un oiseau est libre et que quel que soit son âge cela fait rêver de voler ! Quant à Paris, avec mon frère nous y sommes nés et c’est une ville que l’on connaît par cœur et que l’on aime. On avait envie de refaire découvrir la capitale, qui peut être anxiogène pour certains. Prendre de la hauteur, cela permet de donner une vision poétique.
L’oiseau est libre, mais pas le drone, comment avez-vous fait ?
Jérémie Lippmann : Entre le dire et le faire, il y a un parcours digne du combattant. Le problème principal étant bien sûr l’interdiction de survoler Paris. Donc pour arriver à réaliser ce travail pharaonique, il fallait que notre projet soit soutenu et obtenir les autorisations. On a contacté la Mairie de Paris qui a adoré et a accepté d’être partenaire. On a pu effectuer les démarches pour avoir les autorisations auprès de la Préfecture de Paris. Il faut savoir que l’on ne peut avoir l’autorisation que pour 5 jours, qu’il faut donc toujours renouveler, et que l’on n’a le droit qu’à 4h par jour. Nous voulions montrer Paris tel qu’il est. On voulait offrir la vérité. Il n’était pas question de se limiter aux monuments historiques. On avait envie de montrer le vrai Paname, avec ses quartiers et sa lumière en toutes saisons. Le ciel bleu c’est magnifique, mais le ciel gris appartient aussi au charme de la ville. Nous avons un an de prises de vues, à toute heure de la journée ! Mais il ne fallait pas oublier la nuit ! Ce qui est encore plus compliqué pour les autorisations. Mais comme nous étions très respectueux de la loi, on a obtenu le soutien de la Préfecture. C’est ainsi que l’on s’est retrouvé avec six mille clichés !
Comment avez-vous réussi à faire votre choix dans toute cette matière ?
Jérémie Lippmann : C’est vrai qu’on en avait beaucoup et peu de déchet ! Nous avons essayé de répondre à la question : Est-ce que cela va intéresser ? Les Editions Gallimard nous ont proposé de réaliser le livre qui est une sorte d’hymne à Paris. Il y a une cohérence, même s’il n’y a pas de fil conducteur, nous proposons une balade libre dans cette ville dans laquelle il est facile de se perdre, que l’on croit connaître et que l’on redécouvre à chaque fois. Donc quand on a fait le premier choix, nous nous sommes retrouvés avec 900 clichés mais nous devions arriver à 150 ! Alors pendant 48 jours mon frère a fait un nouveau tri sous le prisme du « spectateur », de ce qu’il aimerait voir. C’est ce qui nous a permis de rendre notre choix le plus juste possible. Au cours du travail, j’ai dit à mon frère qu’il serait dommage de se limiter à un ouvrage uniquement photographique. Ce sont de beaux livres, mais ils finissent vite rangés sur une étagère ! On en a tous dans nos bibliothèques.
C’est ainsi que David Foenkinos entre dans l’aventure ?
Jérémie Lippmann : Depuis que je suis papa, je lis des histoires à ma fille. Je me suis dit que par ce biais, celui du conte, notre livre aurait la possibilité d’entrer dans la chambre d’un enfant, d’un adolescent. C’est comme ça qu’est venue l’idée de cette histoire d’amour entre deux oiseaux. Un petit pioupiou qui viendrait rechercher sa dulcinée partie à Paris. J’ai appelé mon ami David, qui, très excité par l’idée, a dit tout de suite oui.
Finalement, vous avez abordé cet ouvrage avec votre regard de metteur en scène…
Jérémie Lippmann : Dès le début j’ai eu une vision globale ! Mon frère était plus dans la technique de la photographie. Mais quand il a compris ce que j’avais dans la tête, on a allié tout ça pour en faire, ensemble, une œuvre. Quand on a trouvé le titre, Paris à vol d’oiseau, cela a pris complètement forme car s’était intéressant d’avoir la vision de l’oiseau. Les oiseaux connaissent Paris par cœur. On propose des images comme si on était dans sa tête.
L’exposition de vos photos sur les grilles du jardin de la tour Saint Jacques a été inaugurée juste avant l’annonce du confinement !
Jérémie Lippmann : Le livre est sorti le 1er octobre, l’expo a été inaugurée le 22 et puis le confinement est revenu ! Pour nous l’exposition était importante car elle offrait aux gens la possibilité de voir les photos. Il y a 28 tirages tirés du livre. Il y en a même trois en noir et blanc. C’était aussi important qu’il y en ait, cela donne une autre couleur ! J’ai beaucoup regardé les passants qui s’arrêtaient devant les clichés. L’expo a interpellé toutes les générations. C’était beau d’observer sur leur visage le sourire qu’ils avaient en découvrant les photos. Paris est une ville que l’on finit par ne plus regarder quand on y vit. Si cette exposition permet de leur rendre leur ville, de leur donner envie de « re-aimer » cette ville qui est une des plus belles du monde, moi cela me plaît. Et puis, il apparaît que l’idée de l’oiseau fait du bien. Car il est un appel à la liberté, qui nous est si chère et qui commence à nous manquer. L’exposition devait se terminer mi-novembre, elle est prolongée jusqu’à mi-janvier. Nous avons aussi l’idée d’en faire un film, en nous appuyant sur le conte. J’ai demandé à Dani si elle voulait bien faire la voix de la vieille chouette. Elle a adoré la proposition.
En parlant de Dani, véritable icône parisienne, vous venez de mettre en scène son nouveau spectacle…
Jérémie Lippmann : Je connais Dani depuis 3 ans. C’est une personnalité, quelqu’un de curieux. Elle possède quelque chose de très enfantin aussi. Elle est comme le petit oiseau du conte qui se confronte aux réalités de l’existence. Cela fait un an que l’on est sur le projet de son spectacle, où l’on retrouve ses nouvelles chansons mais également des textes de femmes qui ont compté dans sa vie, qui l’ont accompagnée, des femmes qui avaient prôné la liberté, comme Sagan, Monroe, Calamity Jane… Il fallait faire le lien entre les chansons et les textes de ces femmes. On a répété deux mois pour trouver la dramaturgie. La plupart du temps dans un tour de chants, il y a après une chanson, un noir. Ici, il n’y aura qu’un seul noir, car c’est une histoire qu’elle raconte et qu’il était impensable que cela soit interrompu. Elle raconte sa vie, bien remplie, qui est celle d’une femme libre qui n’a jamais fait de concession. Elle se livre avec pudeur, avec humour bien sûr mais surtout avec tout son cœur.
Et la fermeture des salles a retardé le spectacle…
Jérémie Lippmann : La date du 10 décembre au Bataclan a été reportée au 8 mars ! Le confinement a stoppé le spectacle mais l’a fait aussi rebondir, car des dates se sont ajoutées à la tournée. Les spectateurs ont envie de la voir. C’est une icône pour toute une génération de femmes. Et comme Dani a une pêche démoniaque, elle est ravie de toutes ces dates qui vont arriver.
Et au théâtre, quels sont vos projets ?
Jérémie Lippmann : Il y a, au Montparnasse, la reprise de Rouge en janvier, ou en février selon la date de réouverture des théâtres. J’ai mis en scène le spectacle d’Olivia Ruiz, Bouche cousue, qui devait se jouer en novembre au Bouffes du Nord et qui est reporté. Et nous allons bientôt commencer les répétitions avec Niels Arestrup et François Berléand, pour un projet qui devrait voir le jour en septembre. Voilà, et puis il y a tous ceux dont je ne peux encore parler, parce que c’est encore un peu tôt. Maintenant, faut juste espérer que cette crise sanitaire ne va pas durer éternellement !
Entretien réalisé par Marie-Céline Nivière
Paris à vol d’oiseau – Photographies de Basile Dell et Jérémie Lippmann. Texte de David Foenkinos
Albums hors série
Gallimard Loisirs
272 pages, ill., sous couverture illustrée, 230 x 285 mm
Paru le 1er octobre 2020
Rouge de John Logan
Théâtre Montparnasse
31 rue de la gaité
75014 Paris
A partir de janvier 2021
Horizons dorés de Dani
Spectacle musical mis en scène par Jérémie Lippmann.
Sur une idée originale de Pierre Grillet et Jérémie Lippmann.
Bataclan
50 Boulevard Voltaire
75011 Paris
Le 8 mars 2021
Crédit photos © Sidney Caron, Jérémie Lippmann et Basile Dell, © DR et © J. Stey