Sociétaire du Français, Michel Robin, qui venait de fêter ses 90 ans, a tiré sa révérence. Connu pour son rôle récurent dans Boulevard du palais sur France 2 ou pour être le père de Collignon dans Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain, le comédien, un grand, un humble, était surtout un homme de théâtre. Il aura passé plus de 60 ans sur les planches, dirigé par Régy, Planchon, Savary ou Podalydès.
Il y a des comédiens qui marquent à jamais notre mémoire. Non parce qu’ils sont beaux ou particulièrement magnétiques, non parce qu’ils ont le rôle principal, juste parce qu’il dégage, une bonhomie, une gentillesse qui irradie bien au-delà de l’écran. Michel Robin était de cette trempe-là. Il était le discret, le doux, dont le côté enrobant, dont la voix si reconnaissable, enveloppait d’un nuage ouaté, d’une douceur étrange.
Des seconds rôles marquants au cinéma
Né en novembre 1930 à Reims, le comédien suit les cours à l’École Charles Dullin à Paris avant d’intégrer la troupe de Roger Planchon, puis la compagnie Renaud-Barrault. Si le théâtre a toujours été sa discipline de prédilection, sa filmographie est particulièrement impressionnante. C’est d’ailleurs par le prisme des écrans noirs et de la télévision, qu’il acquiert une belle notoriété. Après une apparition au côté de Delphine Seyrig, Jean Rochefort et Samy Frei en 1966 dans Qui êtes-vous, Polly Maggoo ?, la comédie satirique de William Klein, l’artiste âgé d’une trentaine d’années enchaînent les rôles. Étonnement son physique passe-partout, bien que reconnaissable entre mille, sa calvitie précoce, le cantonnent aux rôles de vieillards. Il en prend son parti, s’adapte, donnant l’impression aux spectateurs d’être éternel, d’avoir toujours le même âge. Abbé en 1971 dans Les Mariés de l’an II de Jean-Paul Rappeneau, deux ans plus tard, il change d’époque mais garde la soutane dans le cultisme Les aventures de Rabbi Jacob de Gérard Oury. Si en 1978 il joue les attendrissants vieux garçons quinquas vivant chez maman dans l’Hôtel de la plage, la comédie de mœurs de Michel Lang, c’est en employé de bureau modeste dans le long-métrage palmé à Cannes de Claude Goretta, L’invitation, qu’il révélé tout son potentiel et toutes les nuances de jeu qui font de lui un très grand comédien.
Personnages récurrents de série télévisée
De Maigret à Louis la Brocante, en passant par des petits Rôles dans la mini-série tirée du roman de Balzac, Splendeurs et misères des courtisanes, Michel Robin ne cesse de tourner, de faire des apparitions remarquées dans nos salons. En 1999, c’est en voisin de la juge Nadia Lintz, incarnée par Anne Richard dans la série policière de France 2, Boulevard du Palais, qu’il crève le petit écran et entre définitivement dans le foyer des Français comme un vieux monsieur sympathique et attachant. En 2006, après 8 saisons, il s’envole pour d’autre aventures, d’autres histoires télévisuelles. Jouant pour Valeria Bruni-Tedeschi ou pour Arnaud Depleshin, le comédien continue sa longue carrière, toujours avec le même entrain, la même générosité.
Un comédien de théâtre avant tout
Clairement c’est sur les planches que Michel Robin s’amuse le plus. Après avoir débuté fin des années 1950 sous la direction de Roger Planchon, avec lequel, il crée une quinzaine de pièces en moins de 7 ans, dont Falstaff de Shakespeare, les Trois Mousquetaires de Dumas ou les Âmes mortes de Gogol, il s’essaye à d’autres registres et travaille avec d’autres metteurs en scène. De Molière à Schiller, en passant par Dario Fo ou Brecht, le comédien affine son art et affirme sa patte discrète mais unique. Après avoir interprété Lucky d’En Attendant Godot de Beckett en 1970, mis en scène par Roger Blin, il rencontre dans la foulée Claude Régy. Les deux hommes s’apprécient et se retrouvent sur trois autres projets. Foulant les planchers des plus grandes scènes de théâtres, de Nanterre-amandiers à l’Athénée, du Festival d’Avignon au théâtre Récamier, fermé depuis, c’est au Français, où il rentre en 1994, à 64 ans, qu’il reste le plus longtemps – une quinzaine d’années). Aimant donné au second rôle une densité rare, une présence profonde, Michel Robin ne cesse de surprendre, d’attirer l’attention, d’impressionner. En 1996, salle Richelieu, il est un étonnant Monsieur Jourdain, l’un de ses premiers grands rôles. C’est en 2014, qu’il fera sa dernière apparition sur un plateau, dans Les Méfaits de tabac, d’Anton Tchekhov, mis en scène aux Bouffes du Nord par Denis Podalydès.
Après une très longue carrière, plus d’une centaine de films, de téléfilms et quasiment autant, si ce n’est plus, de pièces de théâtre, Michel Robin, artiste profondément humain, aimé de ses pairs et du public, s’en est allé, rattrapé par la Covid. Avec lui, comme l’a rappelé Eric Ruf, Administrateur du Français, dans un très bel hommage, « c’est un monde d’humanité et d’intelligence contenu dans cette longue et humble silhouette courbé » qui s’en va.
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Crédit photos © DR, © Pascal Victor, © Raymond Delalande et © Christophe Raynaud de Lage