A la Collection Lambert, dans le cadre de la semaine d’Art du Festival d’Avignon, avant se produire sur la scène du Théâtre Jean Vilar à Vitry-sur-Seine, le comédien et metteur en scène Burkinabé, Etienne Minougnou, s’empare avec délicatesse et fougue du discours aux nations africaines de l’écrivain et économiste sénégalais Felwine Sarr. Une adresse poétique à la jeunesse, un rappel puissant à l’histoire de tout un continent à écouter et étendre sans modération.
Sourire éclatant, haute stature, Etienne Minougnou se place tranquillement derrière le pupitre installé sur la scène de l’auditorium de la Collection Lambert. Il darde de son regard apaisant, presque doux, les spectateurs venus en nombre, prend une grande respiration et ouvre les vannes d’une parole salvatrice, celle d’un migrant qui revient sur la terre de ses ancêtres.
Le récit d’une vie
Commandé par le théâtre de Namur, Traces, discours aux nations africaines de Felwine Sarr a été créé en 2018 à Dakar lors de l’inauguration du Musée des Civilisations noires. Plus qu’un récit, qu’une histoire, c’est la voix d’un homme qui déchire la nuit aveugle, sourde d’un monde qui ne veut ni voir, ni entendre, qui traverse l’ignorance, le refus, le déni. Émigré, il raconte son parcours, les humiliations vécues, les violences subies. Les termes sont forts, percutants. Ils viennent secouer nos consciences, réveiller nos âmes de bons samaritains, galvaniser une jeunesse africaine en quête de repère.
Un appel lumineux porteur d’espoir
« Vomi par la mer sur une côte méditerranéenne », « déchet des autres », L’homme a dépassé le stade de la rancœur, du ressentiment, de l’abattement. Puisant au plus profond de son être une forme de sagesse, de calme, il porte en lui un message résolument tourné vers l’avenir. Interrogeant l’histoire du continent africain, qui de berceau de l’humanité est devenu terres à spolier, à exploiter sans vergogne, à envahir, il tente avec ses mots plein de dérision, d’intelligence, de comprendre comment tous ces peuples riches de leurs cultures de leurs croyances ont pu accepter d’être considérés comme un continent sous-développé. Bouleversant, éloquent, le texte de Felwine Sarr cherche à éveiller en chacun de nous noir ou blanc un sursaut, un nouveau départ, un engagement pour un futur loin de toute hostilité, toute inimité.
Une voix, une présence
La puissance viscérale de ce discours tient énormément à la présence solaire d’Etienne Minougnou. Silhouette imposante autant que féline, il donne à cette prose vive toute sa beauté poétique, sa colère retenue, sa force apaisante. S’appuyant sur les chants vibrants de Simon Winse, le comédien emporte, chavire et envoûte. Son ton doux, son phrasé parfaitement délié, se conjugue aux sonorités des instruments traditionnels africains pour mieux saisir un public électrisé.
Une heure durant, c’est toute l’Afrique, son histoire, ses espoirs, ses doutes, qui défile. C’est beau, troublant, remuant. Hypnotisé par les mots de Felwine Sarr, les notes de Simon Winse, la faconde d’Etienne Minougnou, on sort gonflé à bloc de ce prêche universel et plein d’espérance.
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Avignon
Traces, discours aux nations africaines de Felwine Sarr
Semaine d’Art en Avignon – Festival d’Avignon
Collection Lambert
5 rue Violette
84000 Avignon
Durée 1h00
Tournée
Le 6 décembre 2020 au Théâtre Jean Vilar, Vitry-sur-Seine
Mise en scène d’Étienne Minoungou
Musique de Simon Winse
Avec Étienne Minoungou et Simon Winse
Regard extérieur Aristide Tarnagda
Lumière de Rémy Brans
Vidéo d’Emmanuel Toé