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Les Voisins, mise en scène de Marc Paquien… Conte fantastique et limitrophe

Quelle surprenante étrangeté que ce drame, drôle, cynique et tendre… Alternant fable contemporaine et thriller sans moralités définies, Les voisins de Michel Vinaver est une sorte d’ « ovni » théâtral à l’insolite et noire beauté, qui séduit par le soufre et l’ambiguïté qui se dégagent des rapports humains pervertis par l’argent. Fasciné par la présence rageuse et captivante de Patrick Catalifo et l‘inquiétante jovialité de Lionel Abelanski, on est entraîné avec une coupable délectation dans un monde joyeux et obscur, à la lisière de faux- semblants et de chausse-trappes entre amitié et inimité, entre envie et jalousie… Saisissant !… L’argument :

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Des Voisins bien intrigants se sont installés au théâtre de Poche-Montparnasse

Quelle surprenante étrangeté que ce drame, drôle, cynique et tendre… Alternant fable contemporaine et thriller sans moralités définies, Les voisins de Michel Vinaver est une sorte d’ « ovni » théâtral à l’insolite et noire beauté, qui séduit par le soufre et l’ambiguïté qui se dégagent des rapports humains pervertis par l’argent. Fasciné par la présence rageuse et captivante de Patrick Catalifo et l‘inquiétante jovialité de Lionel Abelanski, on est entraîné avec une coupable délectation dans un monde joyeux et obscur, à la lisière de faux- semblants et de chausse-trappes entre amitié et inimité, entre envie et jalousie… Saisissant !…

L’argument : ils s’appellent Laheu et Blason. Ils habitent deux maisons jumelles, l’un avec sa fille, l’autre avec son fils. Les deux maisons ont une terrasse commune.
Il semble que rien ne puisse arriver à ces deux familles liées par le lien du voisinage, tant ils sont bien calés dans leur microcosme, tous les quatre. Et puis, le monde extérieur leur tombe dessus. C’est un tourbillon, une tempête qui dévaste, arrache tout…

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Les Laheu, père et fils © Pascal Gely

La critique : dans un quartier résidentiel de la classe moyenne, où tout se ressemble, où tout est anonyme, indifférencié, vivent les familles Laheu, père et fils, et Blason, père et fille. Voisins, ils le sont d’autant plus que leurs maisons, mitoyennes, en miroir, ont en commun une terrasse. Terrain de connivence, de proximité, de fêtes, d’amitiés, d’amour et d’entraide, ce lieu emblématique unit nos quatre protagonistes d’un lien indestructible.
Alors que leurs histoires semblent identiques, similaires, de petites différences viennent insidieusement effriter ce monde parfait, presque irréel, de poupée.

D’un côté, un expert-comptable ambitieux, entreprenant, et sa fille, Alice, secrétaire de direction énergique et posée ; de l’autre, un cadre lymphatique d’un grosse société d’ agro-alimentaire, en perte de vitesse, et son fils, Ulysse, jeune commercial idéaliste et rêveur. D’un côté, un homme aspirant à une autre vie, thésaurisant des lingots d’or qu’il abrite sous une dalle de la cour, de l’autre un père à court d’argent, qui vivote depuis que sa femme l’a quitté. Face aux aléas de la vie, autour d’une unique table, les deux voisins se soutiennent, pansent leurs chagrins, se parlent, théorisent sur la vie, mangent un morceau ensemble, parfois déguster du caviar, trinquant bien volontiers à la moindre occasion. Dans leurs ombres et dans cette proximité inévitable, nécessaire, les deux jeunes gens ont grandi, se sont rapprochés et sont liés maintenant par un lien fraternel, amoureux.

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Un trésor pourrait bien effriter cette belle entente de voisinage © Pascal gely

Placée sous les meilleurs auspices, l’histoire de ces individus banals et ordinaires semble s’écouler doucement. Alors que les Laheu viennent d’enterrer leur chienne, les Blason préparent le dîner afin d’honorer l’animal et apaiser les peines. Un soir, le trésor, seulement connu de notre quatuor, est dérobé. De ce simple événement, Michel Vinaver esquisse un portrait âpre et sombre des rapports humains, teinté d’humour noir et de jeux de mots. Derrière le masque des bons rapports de voisinage, derrière les similarités et ressemblances, le vernis craque. Les fissures se creusent, dévoilant la peu reluisante humanité pervertie par l’argent. Les petites mesquineries, les vilenies et les méchancetés prennent très vite le pas sur les bons sentiments. Les liens presque familiaux font place à la suspicion, aux trahisons. Le monde faussement idyllique explose. Les secrets, que chacun croyait enfouis, refont surface; les petites confidences que l’on croyait sans importance sont, une fois assemblées, de vraies bombes à retardement qui pourrissent l’atmosphère, devenant de plus en plus irrespirable. Le propos est acide, cynique, et pourtant, on rit de bon cœur, emporté par l’étrangeté de cette fable contemporaine aux multiples facettes. Si la pièce semble ancrée dans le quotidien et le réel, les dialogues prennent une tournure étrange et surréaliste. Les situations de plus en plus ubuesques nous emportent dans un univers parallèle.

Cette atmosphère, presque fantastique, est renforcée par la mise en scène très resserrée et structurée de Marc Paquien. Rythmée par de fréquentes séquences d’arrêtés, appuyées par un leitmotiv musical, visuellement très réussies, elle accentue l’effet de suspense et les points de suspension. Ainsi, l’impression de scènes manquantes se fait sentir, nous laissant imaginer les fossés qui se creusent, de plus en plus larges, entre les deux voisins. Cette tension croissante est d’autant plus ressentie que le metteur en scène s’amuse à ne jamais choisir un parti pris tranché, mais à jouer à la lisière entre les personnages, entre les maisons, et entre drame et comédie.

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Laheu (Lionel Abelanski) et Blason (Patrick Catalifo), deux voisins presque parfaits © Pascal Gely

La scénographie, simple, vient souligner l’excellent jeu des comédiens. Si la lunaire Alice Berger et le fragile Loïc Mohiban ont pour eux la fraîcheur et la candeur, Lionel Abelanski et Patrick Catalifo imprègnent le texte de leurs riches expériences passées et de leur vécu. Ils séduisent, l’un par sa retenue, et l’autre, par sa truculence. C’est magistral.

Pris aux tripes par ces personnages particuliers, étranges et si ordinaires, la pièce de Michel Vinaver joue avec nos nerfs et nos émotions en variant rythmique et cadence. Alors que l’inévitable et l’irréparable cassure semble consommée, qu’aucune issue à cette guerre de voisinage ne semble possible, le final chamboule nos certitudes et nous laisse interdit… libre d’en interpréter les silences et les non-dits…

L’absence de parti pris et de morale laisse un goût amer face à un monde en décrépitude, à bout de souffle, asphyxié par la finance … On ne peut rester indifférent par cette fable cynique, mais terriblement réaliste.

Les voisins de Michel Vinaver
Théâtre de Poche_Montparnasse
75, Boulevard du Montparnasse
Paris 75006
A partir du 4 septembre 2015
Du mardi au samedi 21h, dimanche 15h
Durée : 1h30

Mise en scène de Marc Paquien
Avec Lionel Abelanski, Alice Berger, Patrick Catalifo, Loïc Mobihan
Scénographie de Gérard Didier et Ophélie Mettais-Cartier
Lumières de Pierre Gaillardot
Costumes de Claire Risterucci
Son de Xavier Jacquot

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