Mercredi 28 octobre, c’était la première du spectacle de Régis de Martrin-Donos, Des Femmes au Lavoir Moderne Parisien, mais aussi la dernière, car à 20h, le Président l’a annoncé, sans un mot pour la culture, c’est de nouveau le confinement.
Lorsque j’arrive au Lavoir pour assister au spectacle de Régis Martrin-Donos, je sais qu’il n’y aura pas d’autres représentations. C’était dans les tuyaux, ceux des réseaux, le reconfinement va être annoncé. J’aurais pu ne pas aller à cette représentation, profiter de cette dernière soirée pour aller voir la famille, les amis, aller ailleurs qu’au théâtre. Car comme l’a dit une attachée de presse et pas des moindres, nous les critiques, nous ne sommes finalement que des spectateurs !!! Mais non, j’ai fait mon travail !
Un sacerdoce, un regard
Et faire mon travail, c’est de parler d’un spectacle, d’en faire l’analyse, d’apporter une vision nourrie par l’expérience et la connaissance. Ce papier, comme on dit dans le jargon journalistique, j’aurais pu décider de ne pas l’écrire. À quoi bon, le spectacle ne sera plus joué et si, et on lui souhaite, il se rejoue cela ne sera pas demain. Alors, je vais faire, une dernière fois avant quelques mois mon travail et être un passeur, parce qu’il est là, mon boulot.
Questionner le féminin dans le monde d’aujourd’hui
Alors revenons à Femmes, un spectacle qui à travers divers portraits féminins met en scène cette « chose » si souvent malmenée et sans qui nous ne serions rien. Bien sûr, sans l’homme, nous ne serions rien non plus. Ne vous méprenez pas, je ne suis pas en train de me prendre les pieds dans qui de l’œuf ou de la poule…, ni dans celui qui sert au « manif pour tous ». L’auteur non plus d’ailleurs. Son propos est clair, « Qu’est-ce que le féminin, à travers les siècles, les classes et les rôles sociaux ? » Et il y répond avec poésie et une grande sensibilité qui nous ont touchés au plus profond de nos entrailles, comme le dirait Marie.
Féminin multiple
La pièce commence avec Io, cette jolie fille transformée en vache par son amant Zeus, en train d’accoucher d’un enfant. La métaphore est saisissante, Io donne naissance a, non pas un enfant, mais à la condition des femmes. Surgit alors une jeune fille accusée de sorcellerie à l’époque de Salem, puis viendra une artiste de Music-Hall décatie et décadente, une prostituée ibérique sortie tout droit d’un Almodovar, une intellectuelle et son nourrisson qui doit se battre entre l’image de la femme libre et son rôle de jeune mère, une adolescente fan de Dalida, vedette adulée mais femme malheureuse.
Portait(s) kaléidoscopique(s)
Regis de Martrin-Donos, a puisé chez Beauvoir, Barbara, Dalida, Claudel et bien d’autres, des anonymes, et à partir de cette matière, dans une langue riche et forte, son point de vue d’auteur, fait de respect et de tendresse, voire d’indignation, nous fait entendre cet (cette !) être que l’on a si souvent qualifié de fragile. C’est magnifique. Sa mise en scène, d’un bel esthétisme, déroule telles des esquisses de sépia, ces magnifiques portraits de femmes dans lesquelles nous nous reconnaissons quel que soit notre sexe.
Une comédienne flamboyante
Pour les interpréter une seule comédienne, qui va se faufiler dans chacune d’elles avec une aisance et un talent remarquable. Retenez le nom de cette artiste croisée en 2018 lors de la sortie de résidence de M comme Médée d’Astrid Bahiya et que nous (re)découvrons ce soir de première-dernière avec ravissement, Fernanda Barth. Alors, comme je ne peux vous dire courez-y, je ne peux que souhaiter de tout mon cœur de vous dire lorsque ce spectacle pourra être de nouveau à l‘affiche, ne le manquez pas.
Marie-Céline Nivière
Des Femmes de Regis de Martrin-Donos
Création au Lavoir Moderne Parisien le 28 octobre 2020
35 Rue Léon
75018 Paris
Durée 1h05
Mise en scène de Régis de Martrin-Donos
Avec Fernanda Barth
Créations Lumières Jennifer Montesantos
Crédit photos © L’Œil de Paco