Enfants terribles du Flamenco, Israël Galván et Niño de Elche transcendent, dans un duo corps-voix, les codes de cette danse et de genre musical issus du folklore andalou. Présentée pour la première fois en France, à l’occasion de le Semaine d’Art en Avignon, Mellizo Doble – Jumeau double – réveille génialement la cité des Papes endormie depuis plus d’un an pour cause de pandémie.
Il y a des rencontres que l’on rêve, que l’on imagine. Des artistes faits pour se conjuguer, pour s’unir, se fondre, et ne faire plus qu’un. Le duo Galván-de Elche est de cette trempe. L’un est né dans une famille où l’on vit, on respire, on dort Flamenco. L’autre a grandi à Alicante et baigne depuis son plus jeune âge dans les traditions séculaires d’une Espagne haute en couleurs, riche et fière de son folklore. Tous deux prodigues, virtuoses, connaissent leur art sur le bout des doigts.
L’art du détournement, de la controverse
Punks, antéchrists pour les puristes, génies pour les curieux, les afficionados de la déconstruction, de la recherche artistique, Galván et de Elche n’ont pas peur de casser les codes, de les réinventer, de les éprouver, de les moquer avec tendresse. Faisant fi des polémiques, des traditionalistes, ils ont tous les deux, cette rage au ventre, au cœur, ce besoin permanent de se dépasser, de ne surtout pas s’encrouter, ne pas rester enfermés dans des lignes invisibles, dans des carcans immémoriaux.
Un travail permanent de recherche artistique
Dansant dans de la farine, sur du verre pilé ou sur de noirs cailloux pour l’un, ajoutant des sonorités rock, rap pour l’autre, ils n’ont de cesse de dépasser leur limite tout en gardant à l’esprit l’essence même de leur art. Défaisant et refaisant sans cesse leur ouvrage avec une exigence vive, pugnace, ils transgressent avec fièvre et fougue comme des gamins goguenards, des chenapans surdoués, quitte à parfois se rater pour mieux recommencer.
Des jumeaux sans conteste
Leur gémellité est comme une évidence, une concordance décomplexée. De leur goût du défi, du désir d’aller toujours vers un inconnu, un ailleurs forcément différent et donc attrayant, nait un spectacle feu, un show flamme composé d’une douzaine de danses baroques, de chants galvanisants. La voix chaude de Niño de Elche est comme un nuage sonore enveloppant, envoûtant. Les claquements de talons sur le sol, de la paume des mains sur le torse, la précision des gestes d’Israel Galván sont complétement hypnotiques. Chacun utilisant sa discipline comme médium, Les deux artistes se répondent dans un dialogue poétique, humain entre chant et danse.
Écriture décalée, humour potache salvateur
Sur scène, leur complicité ne fait aucun doute. Elle est le ciment de ce spectacle monstre, sa raison d’exister. Chacun à sa manière puise dans les racines de son art pour mieux s’en amuser, pour mieux le célébrer. Ongles peints, barrettes à fleurs dans les cheveux, râteau de plage en plastique pour Galván, modulation de la voix, changement de rythme et pantomime ultra sérieuse pour de Elche, c’est toute l’Espagne qui vibre sur scène, avec ses sons, ses contradictions, sa folie, sa joie de vivre, sa triste mélancolique.
Mellizo Doble, c’est beau, c’est fort, c’est un uppercut artistique, une belle trouvaille de cet Avignon rattrapée, réveillée. Touchant juste grâce une ingéniosité hallucinante, une imagination débordante, le duo de choc Galvan-de Elche fait vibrer le cœur des festivaliers et montre, si c’était nécessaire, l’essentialité du spectacle vivant, sa force salutaire.
Olivier frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Avignon
Mellizo Doble d’Israel Galván et Niño de Elche
Semaine d’Art en Avignon – Festival d’Avignon
Théâtre Benoît XII
12 rue des teinturiers
84000 Avignon
Jusqu’au 25 octobre 2020
Durée 1h25
Chorégraphie d’Israel Galván
Musique de Niño de Elche
Avec Israel Galván et Niño de Elche
Lumière de Benito Jiménez
Son de Pedro Léon et Manu Prieto
Crédit photos © Christophe Raynaud de Lage