Après deux années de succès au Festival Off d’Avignon, cette joyeuse comédie de Sacha Guitry, mise en scène par Thomas Le Douarec s’est installée au théâtre du Ranelagh. Les restrictions imposées par le couvre-feu ne couperont pas les ailes de ces 2 Colombes.
Thomas Le Douarec a eu bien raison de sortir des oubliettes cette pièce de Guitry, créée en 1948 au théâtre des Variétés, avec le Maître, bien sûr, Lana Marconi, sa nouvelle conquête et sa fidèle amie Pauline Carton. Dans l’ouvrage immense de l’auteur, cette œuvre change par sa facture, certes, c’est un vaudeville, mais pour une fois le trio mari-femme-amant, n’est pas le propos. Rassurez-vous, il y a bien un trio infernal, mais il n’est pas celui qu’on croît. Comme toujours chez l’auteur de Quadrille et de Désiré, la misogynie est bien présente, mais développée différemment. Et, même s’il dit dans sa pièce que la gente féminine est inconstante et mercantile, Guitry y énonce clairement son amour des femmes et son aisance à contourner les problèmes avec une belle flagornerie. Je ne t’aime plus alors je vais voir ailleurs.
Une bigamie ignorée
Le héros se retrouve bigame bien malgré lui. Sa première femme, qu’il croyait morte, ressurgit dans sa vie. Le problème est que se croyant veuf, il s’est remarié. Et le hic, son épouse n’est autre que la petite sœur de sa légitime. Comment trouver la paix fasse à ces deux colombes qu’il a tant aimées et qui se déchirent Comment se sortir de cette situation à la fois cocasse et embarrassante ? On ne va rien dévoiler, mais sachez qu’il y a une bonne dévouée, une princesse russe des plus envoûtantes et un héritage qui tombe à point.
Une distribution haute en couleur
Ce genre de partition demande un jeu où les ruptures comiques sont reines. Les comédiens s’en donnent à cœur joie mais sans jamais forcer. Dans la rôle de la défunte pas si défunte, Marie-Hélène Lentini est à son aise, se promenant avec brio dans les pas d’une Pâcome où d’une Maillan. Elle nous a régalés avec ses mimiques, son talent maîtrisé de boulevardière. C’est une nature ! Dans celui de la petite sœur, Marie Delaroche ne se défend pas trop mal. Dans le rôle de la jeune servante, Marie Le Cam, épatante, révèle une facette de son talent comique. Caroline Devismes est irrésistible en grande Duchesse russe qui roule les R, traverse la pièce comme les grandes steppes de son pays natal. Dans le personnage du mari, s’amusant avec les mots de Guitry, les lâchetés et la mauvaise foi de son personnage, Thomas Le Douarec, dominant la scène de sa haute taille, est à la fois colossal et inénarrable.
Une mise en scène bien rythmée
Pour sa mise en scène, Thomas Le Douarec a eu l’excellente idée de donner un ton digne du meilleurs spectacle d’Au théâtre ce soir. Les décors et les costumes, de Mathieu Beutter et José Gomez, ne font pas rougir Roger Harth et Donald Cardwell ! C’est coloré,très années 1970 ! La vivacité du ton, rythmé par la musique de Mehdi Bourayou, est du même acabit, aucun temps mort, même durant les apartés au public. Ce côté kitsch assumé fonctionne très bien. Nous sommes dans le divertissement voulu des comédies de boulevard, dont le but est de nous faire passer un agréable et joyeux moment. Et l’on rit de bon cœur à ce sacré remue-ménage !
Marie-Céline Nivière
Aux 2 Colombes de Sacha Guitry
Théâtre du Ranelagh
5, rue des Vignes
75016 Paris
Jusqu’au 31 décembre 2020
Durée 1h20
Mise en scène de Thomas Le Douarec assisté de Judicaël Vattier
Avec Thomas le Douarec, Marie Delaroche, Marie Le Cam, Caroline Devismes, Marie-Hélène Lentini et Emmanuelle Gracci
Décor de Mathieu Beutter
Costumes de José Gomez
Musique de Mehdi Bourayou
Lumières de Stéphane Balny
Crédit photos © Philippe Hanula