Au théâtre de l’Atelier, la pétulante Émeline Bayart monte avec facétie On purge bébé de Feydeau. Entrecoupant cette pièce en un acte, d’intermèdes musicaux particulièrement réussis, elle n’évite pas les lourdeurs du texte – personne ne le peut – , mais signe une gourmandise savamment sucrée qui se déguste avec un grand plaisir.
Dans une tenue blanche semblant sortir d’un quelconque salon du Paris de la Belle époque, Émeline Bayart fredonne avec la belle truculence qui la caractérise, Ça ne vaut pas la tour Eiffel. Cette Chansonnette burlesque et comique de Richard O’Monroy, interprétée à l’origine en 1900 par Marguerite Deval, chanteuse d’opérettes qui excellait selon Paulus dans l’art de lancer des couplets grivois, sert de prologue et donne le ton au vaudeville de Feydeau revisité avec espièglerie par la lumineuse comédienne.
Intérieur Bourgeois
A Paris, chez les Follavoine rien ne va plus. Toto, l’enfant trop chéri de la maisonnée, souffre de constipation mineure. Pour la mère inquiète (impayable Émeline Bayart), il n’y a d’autres solutions que la purge. Toujours en peignoir et seau de toilette à la main, elle déambule dans l’appartement pour obliger son mari (épatant Eric Prat), en sa qualité de père, de faire entendre raison au petit garnement pour qu’il prenne sa médication. Sous le regard effaré de Mr Chouilloux (remarquable Manuel Lelièvre), un invité de marque avec qui le maître de céans tente de conclure une juteuse affaire, la folle famille se donne en spectacle sans honte, ni vergogne.
Vaudeville à la petite semaine
De cet épisode cocasse, trivial du quotidien, Georges Feydeau tire une comédie satirique qui brocarde avec mordant les mœurs et les petits tracas de la petite bourgeoisie. Effleurant légèrement la condition des femmes dans cette société en pleine mutation du début du XXe siècle, le maître du Boulevard use et abuse de la caricature, de la gaudriole, des quiproquos et du comique de répétitions, jusqu’à l’indigestion.
Du musical divinement désuet en sus
Tout étant excessif à outrance, il faut tout le talent d’Émeline Bayart et de sa troupe, pour donner des ailes à cette farce quelque peu lourdaude. Jouant des pantomimes, la comédienne aux mimiques inénarrables puise dans l’un de ses péchés mignons, la reprise du répertoire des chansonniers de la Belle Époque, pour ensorceler, séduire son public. La recette est efficace, la salle chavire emporter par les mélodies surannées, les histoires de couples qui se déchirent, se détestent et s’entretuent.
Une présence unique, irrésistible
Souvent monté, On purge Bébé a ses afficionados, mais clairement ne fait pas partie de nos » Feydeau « préférés. Mais comment résister à Émeline Bayart, c’est impossible. Irradiante, terriblement drôle, il suffit qu’elle apparaisse pour déclencher hilarité et bonne humeur. Elle est, sans conteste, le joyau de ce divertissement, qu’elle a su adapter joliment malgré ses pesanteurs. Rien que pour elle, courrez au théâtre de l’Atelier, vous serez ensorcelés. Et en ces jours moroses, un spectacle où l’on rit à gorge déployées, c’est déjà beaucoup !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
On purge bébé de Georges Feydeau
Théâtre de l’Atelier
1 place Charles Dullin
75018 Paris
A partir du 13 octobre 2020
Tout le mois de novembre en raison du couvre-feu en alternance avec Crise de Nerfs
Durée 1h20 environ
Mise en scène d’Émeline Bayart
Avec Eric Prat, Émeline Bayart, Manuel Le Lièvre – Valentine Alaqui
Thomas Ribière – Delphine Lacheteau avec la participation artistique du Studio d’Asnières-ESCA
et Manuel Peskine / Stéphane Corbin au piano
Crédit photos © Caroline Moreau