Ton père de Christophe Honoré. Mise en scène Thomas Quillardet. Comédie de Reims. © Matthieu Edet

Thomas Quillardet plonge dans les tourments homoparentaux de Christophe Honoré

La comédie de Reims ouvre sa saison avec Ton Père, une adaptation du roman autobiographique de Christophe Honoré signée Thomas Quillardet.

En ouverture de saison, la Comédie de Reims propose Ton Père, une adaptation du roman autobiographique de Christophe Honoré signée Thomas Quillardet. Avec beaucoup de naturel, le metteur en scène s’empare des mots du réalisateur et aborde l’homoparentalité, ses joies, ses peines, les violences insidieuses subies de la part d’envieux, d’intolérants, d’homophobes. 

Une moquette vert d’eau a envahi la salle de l’atelier de la comédie de Reims. Elle recouvre tout, le sol et les gradins placés en quadri-frontal. Mêlés au public, les comédiens attendent patiemment que tout le monde s’installe. Ils sont facilement reconnaissables, ce sont les seuls à ne pas porter de masques. C’est la seule exception aux règles sanitaires en vigueur. Comme dans tous les théâtres de France, à la Comédie, le personnel est vigilant à ce que la distanciation sociale et les gestes barrières soient respectés. 

Voix amplifiées 
Ton père de Christophe Honoré. Mise en scène Thomas Quillardet. Comédie de Reims. © Matthieu Edet

Une lumière blafarde de néons éclaire l’espace de jeu. Une voix douce d’homme résonne dans le silence. C’est celle de Thomas Blanchard, le double scénique de Christophe Honoré. Il raconte son quotidien de père célibataire, son amour inconditionnelle pour sa fille, sa vie de tous les jours. Il assume tout, son homosexualité, son choix d’avoir eu un enfant avec une de ses meilleures amies, la garde alternée. Tout est parfait. Aucune ombre au tableau ne vient entacher le bonheur de cette famille atypique mais heureuse. 

Interrogations et doutes 

L’intrusion un dimanche matin d’un message anonyme sur la porte d’entrée, « Guerre et paix, une contrepèterie douteuse », va tout faire vaciller. Imperceptiblement, le petit monde d’Honoré s’effrite. Est-ce une mauvaise blague, la vengeance d’un ex, l’intolérance crasse d’un pro-manif pour tous ? Difficile à dire. Afin d’affronter au mieux cette agression, d’en comprendre l’origine, tout en protégeant sa fille, l’homme plonge dans ses souvenirs, retrace son histoire, son parcours d’adolescent rebelle au fin fond de la Bretagne, son amour des hommes mal perçu par un père un tantinet machiste, son métier d’artiste. Utilisant les mots de tous les jours, il fait son propre autoportrait sans cacher ses faiblesses, ses fêlures, ses fanfaronnades. 

Un texte vibrant d’actualités
Ton père de Christophe Honoré. Mise en scène Thomas Quillardet. Comédie de Reims. © Matthieu Edet

Style concis, plume vive, Christophe Honoré se livre impudique, sensible, fragile. Ne cherchant jamais le pathos, ni l’apitoiement, il s’amuse de ses propres forfanteries, de ses désirs, du jeune homme charismatique qu’il était. Touché par le sujet, Thomas Quillardet s’empare de cette matière en empruntant au réalisateur son approche cinématographique, laissant l’émotion effleurée à peine en surface. L’effet fonctionne bien, permettant sans trop de mal de s’identifier, de s’imaginer à la place de cet homme chahuté dans son quotidien. 

Un ton épuré
Ton père de Christophe Honoré. Mise en scène Thomas Quillardet. Comédie de Reims. © Matthieu Edet

La voix de Thomas Blanchard fluctue à peine, toujours le même tempo, la même tonalité, comme si rien ne pouvait affecter son personnage. Parfois, le timbre se fait sourd, le masque d’impassibilité, de « rien à foutre du regard des autres », se fendille laissant place à la suspicion, aux incertitudes, à la colère, à l’anxiété. Mais très vite, il retrouve sa placidité. Entouré d’une troupe d’artistes épatants – Claire CatherineMorgane El AyoubiCyril Metzger et Étienne Toqué – qui joue tous les autres rôles, le comédien angevin donne vie à cette lettre d’amour, celle d’un père à sa fille. 

Haro à tous les empêcheurs de tourner en ronds, à tous les étriqués d’esprits, le lien filial ne se commande pas, il se crée, se construit, s’impose de lui-même par-delà la norme, Ton père est un spectacle délicat et essentiel sur un sujet sensible. Un manifeste pour la tolérance.

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – envoyé spécial à Reims

Ton père d’après le roman de Christophe Honoré – Éditions Mercure de France
Comédie de Reims
Atelier
13 rue du Moulin Brûlé
51000 Reims
Jusqu’au 14 octobre 2020
durée 1h30 environ

Tournée
Du 18 au 28 novembre 2020 au Monfort théâtre dans le cadre du Festival d’Automne à Paris.

Adaptation et mise en scène de Thomas Quillardet assisté de Titiane Barthel
avec Thomas Blanchard, Claire Catherine, Morgane El Ayoubi, Cyril Metzger et Étienne Toqué
Scénographie de Lisa Navarro
Costumes de Marie La Rocca
Lumières de Lauriane Duvignaud
aide à la chorégraphie de Jérôme Brabant

Crédit photos © Matthieu Edet

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