Ronan Rivière et sa compagnie La voix des plumes aiment les auteurs russes. Après Boulgakov, Dostoïevski et Gogol, ils reviennent, au Théâtre 13-Jardin, avec ce dernier avec une adaptation des plus sympathiques de sa nouvelle Le nez. Une farce qui nous fait voir plus loin que le bout de notre nez !
On peut dire que Ronan Rivière a eu le Nez fin en respectant les règles. La circulation de la Covid oblige le masque pour tous. Les comédiens sur scène, sauf exception, doivent normalement se plier au décret. Du coup, sans avoir été pensé au préalable, voilà que ce bout de tissu devient, ici un dispositif scénique, comme le sont les masques de la Commedia dell’arte. La pièce est une farce qui parle de la perte d’un nez, celui qui se trouve au milieu de la figure. Ainsi le masque prend un sens.
A la recherche du nez
Un matin, le barbier Ivan, « qui comme tout artisan russe est un ivrogne fini », découvre dans sa miche de pain un appendice nasal. Drôle d’endroit pour un pif ! Après s’être mangé le nez avec son épouse, il s’en débarrasse. Ce même matin, Kovalev se réveille et se rend compte que ce qui se trouvait au milieu de sa figure à disparu comme ça, sans prévenir. Étant bel homme et fier de sa petite personne, il part à sa recherche. Mais voilà, ce nez, qui aime se fourrer partout, mener les gens, regarder plus loin que son bout, a décidé de n’en faire qu’à sa tête et se promène dans tout Petersbourg en uniforme, semant le désordre social, séduisant les femmes, et oui il est également symbole sexuel. Une fois retrouvé, il va falloir le remettre à sa place et cela ne passera que par une déclaration d’amour et de tendresse.
Une farce burlesque
L’adaptation que nous propose Ronan Rivière est originale. S’il ne suit pas à la lettre le texte de Gogol, il n’en reste pas moins fidèle à l’auteur. Ronan met surtout l’accent sur l’apparence, l’être et le paraître. La disparition de ce nez révèle chez tous les protagonistes de l’histoire une face cachée. Sa mise en scène est remarquable, vive et très colorée. Son dispositif scénique fait songer au décor de Métropolis de Fritz Lang. En plus d’être ingénieux, ce dernier est magnifique. Tout comme le sont les costumes, traités comme dans les beaux livres d’images.
Comédie masquée
Et puis, ce gros nez de carton-pâte aux pattes toutes menues (celles de Ronan Rivière) qui se promène sur la scène, est irrésistible. Jouant avec le masque et se l’appropriant, la troupe, dans son ensemble, est à l’unisson pour faire entendre le texte et toute la drôlerie qu’il porte en lui. On ne pique jamais du nez et on flaire un beau succès pour ce spectacle joyeux.
Marie-Céline Nivière
Le nez d’après Gogol
Festival Avignon Off – Les Gemeaux
10, rue Vieux Sextier 84000 Avignon
Du 7 au 30 juillet 2022 à 19h30, relâche les 12, 19, 26 juillet.
Durée 1h20
Théâtre 13-Jardin
103A, boulevard Auguste Blanqui 75013 Paris
Jusqu’au 11 octobre 2020
Du mardi au samedi à 20h, dimanche à 16h
Adaptation et mise en scène Ronan Rivière
Avec Laura Chetrit, Michaël Giorno-Cohen, Ronan Rivière, Jérôme Rodriguez, Jean- Benoît Terral, Amélie Vignaux et au clavecin et orgue Olivier Mazal
Musique de Léon Bailly
Scénographie d’Antoine Milian
Costumes de Corinne Rossi
Lumière de Marc Augustin-Viguier
Crédit photos © Pascal Gely