En utilisant l’aérobic et le fitness comme matières premières de sa chorégraphie, Paula Rosolen construit un spectacle dynamique, drôle, décalé et haut en couleur. Lauréate du prestigieux concours « Danse Elargie », la jeune allemande s’amuse des codes et des images désuètes véhiculés par le sport en salle. Bien que caustique, son regard reste empli de tendresse. Embarqués dans son univers qui augure une belle prestation, la redondance des scènes et des mouvements finit par ternir légèrement notre enthousiasme, heureusement ravivé par la prestation truculente d’un danseur tout en rondeur. Malgré quelques faiblesse, l’artiste est à suivre…
L’argument : levers de jambes et de bras. Un quart de siècle après l’émission Gym Tonic, Paula Rosolen fait de l’aérobic une matière chorégraphique.
La critique : plongée dans le noir le plus total, la scène s’éclaire doucement. Au fond, on distingue 7 silhouettes, 7 danseurs. Tous arborent une couleur distincte des pieds à la tête, allant du rose au jaune, en passant par le vert, le violet ou le rouge. C’est un arc-en-ciel qui se reflète sur le sol noir, plastifié, à l’effet miroir.
Tels des voyeurs, on les surprend en plein échauffement. Puis tout s’arrête. L’image se fige. Le temps est suspendu. L’un après l’autre, ces pantins humains vont s’animer. Chacun s’appropriant un mouvement, un geste, un pas, siglés aerobic. Point de musique pour interrompre ce silence, mais le crissement des chaussures de sport, le souffle court des danseurs et le battement des pas sur le sol. C’est saisissant. La magie opère. On est séduit par ces étonnants enchaînements, ces pas de deux, de trois.
Très vite, l’image d’Epinal d’une séance de fitness se fissure et laisse paraître l’interprétation caustique et tendre de Paula Rosolen. Avec espièglerie, la jeune chorégraphe s’amuse à casser les rythmiques et la cohérence de groupe. Les danseurs évoluent seuls, à deux, à trois, ou à l’unisson. Les mouvements se font répétitifs. Les corps sont poussés jusqu’à l’épuisement. Les visages sont fermés, abimés par l’effort. Seul le comptage semble les animer encore. C’est puissant, viscéral.
Quand l’habitude s’installe, Paula Rosolen brise une nouvelle fois la mécanique. Le plateau est plongé une nouvelle fois dans le noir. Le sol est nettoyé, comme pour effacer les traces des précédents mouvements. Puis à nouveau les danseurs s’animent. Leurs corps se meuvent. De rebonds en squats, de pauses lascives en levers de bras cadencés, ils envahissent l’espace. Entre pas chorégraphiés et endurance, le spectacle oscille, offrant aux spectateurs une autre vision de la danse rythmique : celle de la chorégraphe allemande.
A force de disséquer les techniques propres au fitness et à l’aérobic, Paula Rosolen finit par tourner en rond. Son propos se perd dans la redondance. Heureusement, et c’est sa force, la jeune lauréate du concours Danse élargie a su insuffler à sa démarche beaucoup d’humour et de dérision. En effet, comment ne pas être séduit par la malice de certaines pauses et par l’étonnant et très drôle personnage jaune interprété par un danseur tout en rondeur ?
Si le spectacle est de bonne facture, il manque peut-être de profondeur et de maturité, mais il est incontestablement signé par une chorégraphe de talent : Paula Rosolen.
Aerobics! un ballet en 3 actes de Paula Rosolen
Théâtre des Abbesses – Théâtre de la Ville
31 Rue des Abbesses
75018 Paris
Du 3 au 5 septembre à 20h30
durée 1h05
Concept & chorégraphie de Paula Rosolen assisté de Christopher Matthews
Créé et dansé par Jungyun Bae, Teresa Forstreuter/Sanna Lundström, Gabriela Gobbi, Christopher Matthews, Marko Milic, Sabine Prokop, Paula Rosolen
lumières de Tanja Rühl
costumes de Juan M. Morales, Anika Alischewski, Takako Senda
production de Paula Rosolen / Haptic Hide et M.i.C.A.
coproduction de Théâtre de la Ville-Paris – Musée de la Danse-Rennes / Centre chorégraphique national de Rennes – Brittany et Künstlerhaus Mousonturm-Francfort.
AEROBICS ! est financé par le Hauptstadtkulturfonds Berlin, le Transfabrik-german-french fund for performing arts, la ville de Francfort-sur-le-Main et le ministère de la Science et de l’Art de Hesse
avec le soutien de Sophiensaele-Berlin.