Dans ce bel écrin qu’est la petite salle du théâtre de Poche-Montparnasse, Nicolas Briançon met en scène la délicate Alice Dufour dans Mademoiselle Else d’Arthur Schnitzler. Un spectacle intelligent et émouvant.
La jeune et jolie Else, en villégiature dans un grand hôtel des Alpes, savoure sa jeunesse avec légèreté. L’enfance s’éloigne, la femme pointe dans son cœur et dans son corps. Elle a la vie devant elle et les rêves qui vont avec. C’est l’été, il fait beau, elle a envie de croquer le monde de ses belles dents. Mais une lettre de sa mère assombrie son horizon. Son père ayant de graves ennuis, Else doit demander à un de leur vieil ami, présent dans l’hôtel, de leur prêter la somme qui sauvera la famille du déshonneur.
Proposition indécente
Ce service que lui demandent ses parents met Else dans tous ses états, car elle comprend que c’est pour elle la fin de l’insouciance. Lorsque le vieil ami accepte à la condition qu’elle lui montre son corps nu, la jeune femme part en vrille, écartelée entre dégout et désir. Comment se regarder en face si elle accepte le pacte ? mais comment refuser cette étrange curiosité qu’est, pour elle cet excitant inconnu qui ne cesse de l’interpeller, le sexe. Dans une sorte de folie, que ce cher Freud nommait hystérique, Else va vivre une terrible épreuve au dénouement extrême.
Au cœur des émois intimes
Nicolas Briançon a pris le parti de nous faire entendre le monologue intérieur, très dense et mouvementé, d’Else. Il a bien fait, car se concentrant sur cette jeune fille en fleur, sur les troubles qui la secouent, il touche à des sujets universels comme le droit de disposer de son corps, de sa vie. Sa scénographie est très réussie. Jouant sur les projections vidéo d’Olivier Simola et les lumières de Jean-Pascal Pracht, il nous plonge dans l’atmosphère d’un grand hôtel du XIXe siècle. Et bien souvent Else se fond dans le décor, tant elle aimerait disparaître.
Une comédienne lumineuse
Dans les belles tenues imaginées par Michel Dussarat, Alice Dufour prête sa fine silhouette de danseuse à la trépidante Else. La comédienne réussit à éviter tous les pièges qui se tendent lorsque l’on joue une jeune adolescente prise dans les affres du monde adulte. Elle passe d’un excès à l’autre avec un charme et une sensibilité qui ôte toute mièvrerie à son personnage au tourment excessif. Sa prestation est remarquable.
Marie-Céline Nivière
Mademoiselle Else d’Arthur Schnitzler
Théâtre de Poche Montparnasse
75 boulevard Montparnasse
75014 Paris
jusqu’au 6 novembre 2022
du mardi au samedi à 19h, matinée dimanche à 15h
durée 1h25
Adaptation et mise en scène de Nicolas Briançon
Avec Alice Dufour et les voix de Anne Charrier, Michel Bompoil, François Vincentelli, Magali Lange, Cécile Fisera
costumes de Michel Dussarat
vidéo d’Olivier Simola
lumières de Jean-Pascal Pracht
Son d’Emeric Renard
Crédit photos de © Pascal Gely