La Mousson d'été. Michel Didym. Abbaye des prémontrés. © OFGDA

La Mousson d’été ou l’art de la lecture

Au cœur de la Lorraine, l’Abbaye des Prémontrés, accueille les Rencontres théâtrales internationales de la Mousson d’été.

Au cœur de la Lorraine, jusqu’au 27 août 2020, l’Abbaye des Prémontrés, située en bord de Moselle, accueille les Rencontres théâtrales internationales de la Mousson d’été. L’occasion rêvée pour les amoureux du théâtre et des textes contemporains de découvrir de nouvelles plumes venues d’Europe, mais aussi du monde entier. Reportage. 

Le soleil brille sur la Lorraine, en cette fin août. Autour de l’imposante et solennelle Abbaye de Pont-à-Mousson, érigée en centre culturel depuis 1964, certains badauds admirent l’architecture du XVIIIe siècle, d’autres se pressent pour assister aux lectures, présentées dans le cadre du festival La Mousson d’été, initié par Michel Didym. Depuis 25 ans, l’ancien édifice religieux promeut des rencontres culturelles autour des nouvelles écriture, un moment très apprécié des théâtreux. 

Un lieu propice à la lecture
Abbaye de Prémontrés. La mousson d'été. Michel Didym. © OFGDA

Longs couloirs entourant le jardin du cloître, église Sainte-Marie-Majeure transformée pour l’occasion en réfectoire, escaliers ronds, carrés, ovales, tout est fait pour inviter à la réflexion, à la balade méditative. Rappelant les éditions précédentes, une galerie de portraits permet de faire connaissance avec les nombreux auteurs de théâtre passés par ces lieux. Loin du bruit de la ville, de la morosité, de la crise de la covid – tous les gestes barrière sont respectés – , les mots résonnent et nous emportent dans un voyage immobile à travers les histoires d’hommes et de femmes, qui embrassent leur destinée. 

Refuge au camping
Abbaye de Prémontrés. Michel Didym. La mousson d'été. © Boris Didym

Après la découverte de la bâtisse, il est temps de se diriger vers la première lecture de l’après-midi. Sur la scène de l’amphithéâtre situé dans une aile de la cour de l’honneur, deux femmes échangent quelques banalités sur leur vie. Un lien bien étrange semble les unir. Sont-elles amantes, amies, ou tout simplement des âmes errantes cherchant quelques réconforts ? Difficile à dire, tant leur discussion est décousue. Très vite, derrière les sourires, les amabilités, les failles, les fêlures apparaissent. Clairement, l’une (impayable Marie Sohna Condé) a pris l’ascendant sur l’autre (épatante Catherine Matisse), mais ce n’est pas si simple, pas aussi évident. Confrontées à leurs névroses, leurs blessures, main dans la main, elles tentent de se reconstruire, d’oublier le drame qui les a conduites dans ce camping un brin miteux. Bien que le texte faussement léger et absurde de la néerlandaise Magne van den Berg manque un peu de force, l’interprétation des deux comédiennes, dirigées avec précision par Michel Didym touche juste et précis.

Névroses familiales
Abbaye de Prémontrés. Michel Didym. La mousson d'été. © Boris Didym

Dans un autre style, Tomislav Zajec plonge au cœur d’une tragédie familiale. Entremêlant les histoires – trop peut-être – et les temps, l’auteur croate conte avec beaucoup d’humour les déchirures d’un couple, la perte de repère d’un ado confronté trop tôt à la noirceur de l’âme humaine, l’incapacité de deux sœurs à pleurer leur mère, tout juste décédée. De sa plume mordante, décalée, il dresse une galerie de portraits ciselés à l’acide. Derrière les drames, la violence, le rire n’est jamais loin. Porté par une troupe de comédiens talentueux, dont la lumineuse Maud Le Grevellec, le détonnant Christophe Brault et l’inénarrable Frédérique Loliée, le texte noir révèle avec lucidité la déliquescence de nos sociétés contemporaines. La mise en espace parfaitement dosée par Tamara Al Saadi donne aux mots toutes leurs forces. 

Au pays des addictions
Abbaye de Prémontrés. Michel Didym. La mousson d'été. © Boris Didym

Un peu plus tard, dans la soirée, Rebekka Kricheldorf convie les spectateurs à découvrir l’île des singes, où quatre scientifiques ont été enfermés pour réfléchir à la nourriture de demain, entre écologie et « freak show ». S’interrogeant sur la sociologie des comportements humains, l’autrice allemande, en observatrice d’un monde en perdition, questionne nos habitudes alimentaires coincées entre nos désirs carnivores et notre volonté de ne plus faire souffrir les animaux. Si le sujet a tout pour séduire, très vite l’écriture se perd dans des méandres textuels complexes, que le jeu trop appuyé des comédiens souligne à gros traits. Le temps s’étire et rien n’y fait. Quelques rires épars viennent, de temps à autre, alléger l’ensemble, mais même la distribution alléchante – Eric BergerNicolas ChupinMarie-Sohna Condé et Alexiane Torrès – ne suffit pas à convaincre. 

Textes en délire et musiques à gogo 

La nuit ne fait que commencer, après les Impromptus de la nuit consacrés à Joseph Danan et Pascale Henry, le DJ PhiltyPhilFury met le feu sur la piste et fait danser les derniers festivaliers jusqu’à tard. Il est temps de rejoindre Morphée pour se préparer à une autre journée au pays des mots.

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Pont-à-Mousson

La mousson d’été – Abbaye des Prémontrés – Pont-à-Mousson
Jusqu’au 27 août 2020

Privés de feuilles, les arbres ne bruissent pas de Magne van den Berg (Pays-Bas)
traduction d’Esther Gouarné (texte traduit avec le soutien de la Maison Antoine-Vitez, Centre international de la traduction théâtrale)
lecture dirigée par Michel Didym assisté par Yves Storper 
avec Marie Sohna Condé et Catherine Matisse
Musique de Vassia Zagar 

Ce qui manque de Tomislav Zajec (Croatie)
Traduction de Karine Samardzija (texte traduit avec le soutien de la Maison Antoine-Vitez, Centre international de la traduction théâtrale)
Lecture dirigée Par Tamara Al Saadi
Avec Christophe Brault, Nicolas Chupin, Sébastien Eveno, Etienne Galharague, Maud Le Grevellec, Frédérique Loliée, Odja Llorca Et Emma Meunier

La Maison sur Monkey Island de Rebekka Kricheldorf (Allemagne)
Traduction de Leyla-Claire Rabih Et Frank Weigand (Texte traduit Avec le soutien de la Maison Antoine-Vitez, Centre international De La traduction théâtrale, présenté en partenariat avec le projet Fabulamundi. Playwriting Europe soutenu par le programme Europe Créative De l’Union européenne)
Lecture dirigée Par Mathieu Bertholet
Avec Eric Berger, Nicolas Chupin, Marie-Sohna Condé et Alexiane Torrès 

Crédit photos © OFGDA et © Boris Didym

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