En présence de la toute nouvelle ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, Stanislas Nordey a envoyé hier, le 10 juillet, le coup d’envoi de l’été culturel et apprenant strasbourgeois. Après la période d’isolement, liée au confinement, une dizaine de projets ont été sélectionnés pour permettre de renouer le lien avec les publics, de faire se rencontrer des populations différentes et de redonner le goût du théâtre.
Il fait très lourd dans la capitale alsacienne en ce début d’après-midi de juillet. Des nuages noirs menacent la ville. Le temps est à l’orage. Quelques gouttes s’écrasent sur le bitume, mais rien ne viendrait perturber la première visite en région de Roselyne Bachelot, nouvellement nommée à la tête du ministère de la Culture. Pimpante, souriante, mais le regard grave, elle n’a pas choisi le TNS par hasard. Seul Théâtre national décentralisé, l’établissement fait figure d’exemple en cette période trouble post confinement. Accompagnée de Jack Lang, un de ses emblématiques prédécesseurs, la ministre félicite Stanislas Nordey d’avoir été un des premiers à répondre à l’appel du gouvernement d’inventer un été « culturel et apprenant » et de bénéficier ainsi des aides allouées afin de soutenir le retour aux pratiques artistes et cultures des jeunes.
Un été tout en culture
Au collège Sophie-Germain du quartier de Cronenbourg, où se tient actuellement les répétitions de l’Andromaque à l’infini de Gwenaël Morin, ainsi que des ateliers de pratique théâtrale destinés aux jeunes éléves qui n’ont pu bénéficier d’une scolarité normale depuis le mois de mars, Stanislas Nordey présente son projet estival. Proposée par les équipes du TNS mobilisées pour l’occasion, la Traversée de l’été se veut riche et multiple. Lectures de textes commandées spécialement à des auteurs associés au théâtre, ateliers d’écritures, rencontre avec des artistes de tout bord, dont les fameuses brigades contemporaines – anciens élèves de l’école du TNS – , accès privilégié à des répétitions, tout est prévu pour permettre aux jeunes mais aussi à nos anciens – des visites en EPHAD sont prévues – de découvrir les différentes disciplines qui composent le spectacle vivant. En tout, plus d’une centaine de rendez-vous gratuits sont prévus jusqu’au mois de septembre. Le comédien et metteur en scène à la tête du TNS tient à souligner que « ce programme est évolutif », d’autres collaborations sont à l’étude afin d’obtenir une offre diversifiée sur l’ensemble du territoire. Les premiers évènements sont consultables sur le site du Théâtre.
Un secteur sinistré
Très à l’écoute des propositions de Stanislas Nordey, qu’elle soutient avec vigueur, Roselyne Bachelot ne pouvait faire l’impasse sur la situation catastrophique du spectacle vivant. « La culture, dans son ensemble, explique-t-elle, subit un désastre inimaginable sur le plan économique, artistique, mais aussi humaine. Les pertes sont considérables. Nous devons tout mettre en œuvre pour permettre au lieu de rouvrir et d’accueillir plus largement du public tout en en respectant les gestes barrières. Nous sommes en situation d’urgence absolue. Demain, lors du séminaire gouvernemental, la première chose que je vais mettre en exergue, c’est la possibilité d’augmenter les jauges. Je pense qu’il y a des marges de manœuvre si chacun est raisonnable. » Un discours vivement salué par l’ensemble des personnes présentes. Toutefois, malgré les 5 milliards d’euros d’aides déjà apportés, auxquels il faut ajouter les 1,6 milliard supplémentaire inscrit dans la loi de finance rectificative, les temps futurs devraient être particulièrement durs pour la culture. Les mois à venir vont être cruciaux pour la nouvelle ministre, dont les actions et l’engagement seront scrutés à la loupe par un secteur particulièrement impacté par la crise de la covid-19.
Du théâtre enfin
Assaillie de questions, Roselyne Bachelot tient tête et répond à tous avec son franc parler habituel. En habile politique connaissant parfaitement les rouages, elle distribue les sourires, les œillades cabotines. Elle est à son aise, heureuse de servir l’état et les artistes en ce moment douloureux et critique. Le temps des belles phrases, des promesses est fini. Les répétitions d’Andromaque à l’infini d’après Racine et mis en scène par Gwenaël Morin attendent sa venue. Installés dans une autre cour du collège, Les trois jeunes artistes issus de 1er Acte, un dispositif visant à promouvoir une plus grande diversité sur les plateaux de théâtres, mis en place en 2014 par Stanislas Nordey, les Fondations Edmond de Rothschild et la Fondation SNCF, déclament les vers du dramaturge français. Ayant appris les 1648 alexandrins, ils s’amusent à interchanger leur rôle. Sous le regard bienveillant du metteur en scène, passant en un battement de style d’Andromaque à Pyrrhus, de l’ami d’Oreste à la confidente d’Hermione, Sonia Hardoub, lumineuse, Medhi Liman, fougueux, et Emika Murata, espiègle, s’en donnent à cœur joie pour le plus grand plaisir des collégiens venus assistés à ces répétitions ouvertes.
Un spectacle itinérant
Initialement prévu pour être monté au Festival d’Avignon, Andromaque à l’infini trouve dans la proposition du TNS un nouveau souffle. Jusqu’au 8 août, la petite troupe sillonnera la ville et proposera au public strasbourgeois des filages ainsi que des ateliers de transmission. Fin prêt, le spectacle devrait être crééau cours de la Semaine d’art en Avignon, prévu à l’automne par Olivier Py, avant de revenir en Alsace dans le cadre de l’autre saison du TNS. En attendant, les strasbourgeois bénéficieront d’un été tout en culture. Une initiative salvatrice et engagée à l’heure de tout numérique !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial de Strasbourg
Crédit photos © OFGDA