Les Molières, une cérémonie en demi-teinte

Le regard(s) de Marie-Céline Nivière su la Nuit des Molières d'aujourd'hui et d'hier.

A l’heure de la Covid-19, la soirée annuelle et télévisuelle consacrée au théâtre, qui s’annonçait porteuse d’espoir en ces temps de crise, manque quelque peu sa cible. Proposée en prime time, La nuit des Molières manque de panache. L’occasion de se souvenir des fêtes d’antan. 

Elle était bien bizarre cette cérémonie, teintée d’une atmosphère bien tristounette. Faire la fête en huis clos, sans invité dans la salle, hormis les nommés, cela ne ressemble à rien. Comme une réunion de famille sans la famille ! On ne peut que songer à ce qu’on dut vivre les personnes qui n’ont pu aller ensemble enterrer leur mort durant le confinement. Hier soir, il manquait l’ambiance faite des rires, des applaudissements, des sifflements, des hurlements de joie ou d’opprobre. Et l’on se dit que puisque la cérémonie était organisée pour la télévision, autant la penser ainsi. Les Maritie et Gilbert Carpentier auraient su réaliser ceci très bien s’ils étaient encore de ce monde et si la télévision avait encore leur audace, leur savoir-faire. 

Mais non, on a fait comme si… Il n’y a pas pire comme idée, c’est comme ce soda qui a le goût de, la couleur de mais qui n’est pas de ! Cela ressemblait à la fête des Molières, mais cela n’en avait pas la saveur. Il manquait dans la salle la profession, toute catégorie confondue, les vedettes, les comédiens et comédiennes, les metteurs et metteuses en scène, les directeurs et directrices de salle, les producteurs et productrices, les diffuseurs et diffuseuses, les tourneurs, les régisseurs, les équipes administratives, les petites mains, les attaché-e-s de presse, les journalistes… Beaucoup d’absents, donc. On nous a dit de nous installer devant la télé à 21h. On l’a fait, depuis les Pyrénées, et lorsqu’on a éteint, c’était la sensation d’une belle gueule de bois.

Les Molières ! Cela fait des années que l’on râle après eux, après ces cérémonies où l’on évoque de moins en moins le théâtre et tout est pensé pour l’audimat télévisuel. Les Molières ont été créés pour mettre en valeur ce bel art qui à une époque, occupait, tous les jours, au moins deux pages dans les quotidiens. Aujourd’hui, souvent un simple quart de page et encore une seul fois par semaine. Le Théâtre que certains ont jugé trop parisien ! Que cela ne pouvait pas intéresser les lecteurs de Province. Ben voyons ! Qui remplit nos salles de spectacle ?

 Les Molières ! Je les ai suivis dès leur création à la télé. Et la nostalgie de cette époque reste vivace. Dans la salle, on pouvait voir, admirer les grandes vedettes d’alors. Elles étaient toutes présentes. L’élégance était de mise et ils semblent que la profession était, au moins ce soir-là, unie dans la même communion : le théâtre. Sur scène, il y avait des extraits de pièces, classique, moderne, des sketches. Beaucoup de grands comédiens de cette période, étant passés par le cabaret, savaient faire le spectacle. C’étaient des metteurs en scène de théâtre qui organisaient la soirée et ils savaient de quoi ils parlaient. Maintenant, tout est dans les mains de la télévision. 

Les Molières ! A partir des années 2000, j’ai eu la chance d’y assister. Je dis bien la chance. Ce n’était pas tant pour la cérémonie qui reconnaissons le perdait de son charme et s’étirait sur la longueur. Mais ce qui nous mettait le cœur en joie, c’était l’ambiance. On se retrouvait tous dans les cafés du coin, à s’embrasser, se donner des nouvelles, à dire les fameuses cinq lettres à tous les nommés. Puis après la retransmission, on se retrouvait de nouveau et c’était la fête ! On félicitait les gagnants, trinquait avec les perdants en leur disant que le principal était la nomination. On devisait avec les uns et les autres, parlant des projets, de tout, de rien et surtout et toujours de théâtre. 

Depuis trois mois, les théâtres sont fermés, nous n’irons pas à Avignon, mais on peut prendre un train, aller au Puy-du-Fou, dans les grands magasins ! Nous sommes à l’arrêt et pour beaucoup cette situation et catastrophique. Alors, on se dit que cette cérémonie des Molières aura eu au moins le mérite d’exister cette année. Mais vivement l’année prochaine !

Marie-Céline Nivière

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