Pour savoir comment se sont passés ces mois de confinement pour une école de théâtre, nous avons rencontré via Facetime, Patrick Simon, co-directeur et professeur au Studio JLMB.
Le Studio JLMB est une toute jeune école, pourtant Au long passé, racontez-nous ?
Patrick Simon : A l’origine, il y a eu la création en 1993 du Studio d’Asnières par Jean-Louis Martin Barbaz et Hervé Van der Meulen, auquel s’est ajouté l’ESCA, Ecole Supérieure de Comédiens par l’Alternance, le premier CFA de comédiens en France qui délivre un Diplôme National Supérieur de Comédien. Les deux structures cohabitaient mais à un moment, il a été nécessaire de faire disparaître l’école du Studio d’Asnières au profit de l’ESCA. C’est alors que nous avons eu la volonté de reconstruire cette école avec le soutien de Jean-Louis Martin-Barbaz, d’anciens professeurs, moi-même, Yveline Hamon, Chantal Deruaz, ainsi que deux anciens élèves d’Asnières Stéphane Douret, et Adrien Popineau. Plusieurs mois de réflexion et de réunions plus tard, Jean-Louis a validé l’appellation Studio JLMB, juste ses initiales, malheureusement il disparaissait juste après.
Votre école se veut novatrice et tournée vers l’avenir, ce qui concrètement veut dire ?
Patrick Simon : Tous les intervenants sont des anciens professeurs ou d’anciens élèves du Studio d’Asnières comme Anne Barbot, Julie Deliquet, Antoine Reinartz, Tristan Lhomel, Julie Bertin, Jade Herbulot…
Nous sommes tous issus de ce que Jean-Louis appelait l’ADN du Studio, un même creuset et nous avons des carrières et des parcours différents, acteurs, metteurs en scène, directeurs de compagnies très reconnues ou même directrice de CDN comme Julie Deliquet (TGP de Saint Denis). Nous organisons également des master classe. La marraine de la première promotion est Dominique Blanc (ancienne élève de Jean-Louis et pensionnaire de la Comédie-Française). Nous avons, en nous, l’idée de la transmission, ce que nous pouvons amener grâce à nos parcours différents. Nous sommes tous des artistes qui pratiquent le métier. Ce qui permet un enseignement large et profond pour faire de nos élèves non seulement des acteurs mais des acteurs créateurs, engagés dans des envies et des projets personnels et qui ont envie d’aller au charbon.
Vous êtes aussi une école itinérante…
Patrick Simon : Oui, nous n’avons pas un lieu comme les autres écoles. Nous investissons donc divers endroits, nous travaillons avec des partenaires, comme l’Atelier René Loyon dans le 18e, que nous appelons le foyer, mais aussi le Théâtre 13, le Belleville, le Lavoir Moderne Parisien. Pour exemple les auditions de l’année passée ont eu lieu au théâtre de la Michodière. Cela permet aux élèves de se retrouver dans des structures de dimensions différentes, ce qui oblige à déployer un imaginaire multiple. Ils rencontrent les équipes de ces lieux, de l’administration à la régie, ainsi que les équipes artistiques. Ils ne sont pas dans le ronron qu’offre généralement un cours dans un lieu unique. Ils se confrontent aux différents métiers. On vient de tisser des liens avec le Théâtre de l’Aquarium qui devrait la saison prochaine pouvoir nous accueillir pour des sessions de quelques jours. Cette itinérance, c’est un sacré boulot à gérer. Il faut trouver les lieux et surtout caler les plannings, jongler avec les disponibilités de chacun…
Comment s’est passé, pour l’école, le confinement ?
Patrick Simon : Comme toutes les écoles on a fermé le 14 mars. On a fait avec ! Nous avons laissé la possibilité aux élèves de continuer ou pas. Il faut savoir que beaucoup ont été très chamboulés par l’expérience. On leur a donc laissé la liberté de choisir. En tout cas, on a fermé deux mois et aucun élève n’a payé.
Comment enseigne-t-on le théâtre en télétravail ?
Patrick Simon : Il fallait que la vie continue. Anne Barbot, qui devait présenter en juin un atelier, a fait du travail en Facetime avec ses élèves. On a beaucoup utilisé la vidéo. Pour ma part, j’anime un atelier de lecture, où je confronte les élèves à ce difficile exercice. Aujourd’hui j’ai donné deux cours. L’élève me faisait la lecture d’un texte et je le corrigeais, le dirigeais à distance. Des élèves nous ont envoyé des petites « capsules ». Certains ont été très créatifs. Cela Leur a permis de faire un travail plus personnel. Ils ont découvert la nécessité d’une intimité. Au début, quand ils se filmaient, ils s’adressaient non pas à la caméra, au micro, mais à une salle de spectateurs. Et puis, ils ont appris à apprivoiser ce moyen, à aller plus vers l’intime. C’est un travail que l’on pourra continuer après, car sur un plateau de cinéma, rempli de techniciens, il est souvent nécessaire de trouver un univers très personnel. Mais pour faire du théâtre, on a besoin du corps et si on ne retrouve pas cela, on va abîmer le théâtre.
Quand pensez-vous ouvrir ?
Patrick Simon : Le 2 juin au Lavoir Moderne Parisien. On va reprendre avec l’atelier d’Anne Barbot, mais aussi avec Tristan Lhomel qui travaille sur le corps, et la Boîte à outils de Sabrina Baldassara. On espère pouvoir présenter l’atelier « Karamazov » fin juin. S’il n’y a pas la possibilité d’avoir du public, on fera un travail vidéo pour qu’il y ait un rendu de ce chantier ou bien on présentera ce travail à l’automne car le contact avec le public est capital.
Et pour les auditions d’entrée, comment allez-vous faire ?
Patrick Simon : Les pré-inscriptions se sont faites par internet, on en a reçu beaucoup. Les auditions auront lieu du 15 au 27 juin et du 1er au 5 septembre. Il faut trouver le théâtre où cela sera possible. Nous suivrons bien sûr les consignes de sécurité. Les auditions ont lieu sur un tour. Il est demandé aux candidats de nous présenter une scène dialoguée, un parcours libre mais textuel et l’on termine par un entretien, qui permet de voir l’engagement du candidat. Ce sera notre deuxième promotion.
Comment voyez-vous l’après ?
Patrick Simon : On veut considérer que ce n’était qu’une mauvaise période et que l’on va se relever, que la vie va continuer. Cela a été des mauvais mois à passer. Mais cela a permis, peut-être, de découvrir que pour être créateur il faut être autonome et ne pas être dans l’attente.
Propos recueillis par Marie Céline Nivière
Crédit photos © Photo Lot et © DR