Lauréat du Prix COAL Art et Environnement en 2013, Laurent Tixador est un artiste plasticien qui puise dans son biotope immédiat la matière première à ses œuvres. En participant à l’exposition Champs Libres du Maif Social Club, il livre une œuvre emblématique, marquante de l’état de pollution des plages françaises.
Quelle est votre démarche ?
Laurent Tixador : C’est assez simple. Je ne travaille qu’avec des matériaux de récupération. Généralement, je m’installe dans un endroit, que ce soit dans le cadre d’une résidence, ou d’une démarche plus personnelle, et je regarde l’environnement (autour). Je répertorie tout ce que j’ai à disposition dans un rayon de 50 mètres. C’est à partir de ces éléments, de ces matières que j’imagine l’œuvre que je vais composer. Je me mets à la portée de la nature, je n’utilise rien de plus que ce que j’ai à ma disposition. Mon objectif est de ne pas polluer, de ne pas ramener d’autres choses que ce qui est déjà sur place. Quand j’arrive dans un lieu, je n’apporte rien. Je me débrouille avec ce qui est déjà là. L’écologie pour moi c’est cela. Je suis actuellement confiné à la Maison Forte de Montbalen en Aquitaine. J’ai été convié dans le cadre d’un projet de construction de maison. Comme à mon habitude, j’ai fait le tour de l’endroit, de cet incubateur d’idées. N’ayant à ma disposition que de la terre, j’ai imaginé une habitation en briques. Après avoir fabriqué deux fours, j’ai commencé à cuire les briques qui me serviront à bâtir l’édifice final.
Quel type d’artiste êtes-vous ?
Laurent Tixador : Je dirais que c’est moi et ma façon de travailler qui est lié à l’écologie. Je suis un artiste du bricolage et de l’expérience. Je m’adapte. C’est une collaboration entre ce que je suis et les lieux dans lesquels j’imagine mes œuvres. Je ne définirai pas ce que je fais de travail in situ, car ce n’est pas ma philosophie. Ce n’est pas non plus de l’arte povera, car même si mon art est lié à la nature, je ne suis pas attiré par les concepts que ce mouvement défend. En fait, tout simplement, j’ai juste l’envie de laisser les choses à leur place. Avant de créer des pièces, je sais qu’elles n’auront aucun impact sur la nature, car je ne rajoute rien, ni vis, ni ficelle. Je fabrique tout – les chevilles, les liants, à partir de ce que j’ai à disposition.
D’où est venue l’idée du bar de la plage ?
Laurent Tixador : C’est un travail que j’ai commencé à Lorient, plus exactement en collaboration avec le musée de Port-Louis. Étant non loin de la plage de Gâvres, je suis allé m’y promener pour voir ce que je pouvais récupérer. J’avais le choix entre le sable et les déchets plastiques. Au-delà, d’un matériau de récupération, je pouvais utiliser un matériau de dépollution. J’ai trouvé cette piste très intéressante. Des déchets qui n’avaient rien à faire sur une plage, je pouvais imaginer une œuvre qui permet de parler de ce problème écologique. Du coup, l’idée du bar a émergé car c’est un lieu où quand on s’accoude au comptoir on échange, on partage des opinions. C’était l’objet idéal, à mon sens, pour parler notamment de la pollution des océans.
Une fois l’exposition finie, que deviendra cette œuvre ?
Laurent Tixador : Dans un premier temps, le bar devait partir à la déchèterie. Mais finalement, d’autres lieux sont intéressés par cette pièce. Si tout va bien, je devrais l’exposer en août à la biennale d’Anglet dans une forme augmentée. Je vais profiter d’une résidence là-bas pour chercher d’autres matériaux afin de construire d’autres modules d’en développer la structure. C’est une manière, à titre tout à fait exemplaire de faire du nettoyage sans dépenser d’argent, sans impact économique.
Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
L’exposition Champs libres est visitable virtuellement tout le temps du confinement sur le site du MAIF Social Club.
Crédit photos © OFGDA et © Edouard Richard / MAIF