Ancien pensionnaire du Français dans les années 1960 et fondateur en 1965 des cours d’art dramatique portant son nom, Jean-Laurent Cochet est décédé à l’âge de 85 ans dans la nuit du 6 avril 2020. De Luchini à Depardieu, en passant par Huppert, Férréol, Schultz et Béart, tous sont passés entre les mains de celui que beaucoup considèrent comme la mémoire théâtrale de ces quarante dernières années. Hommage.
On le pensait éternel, immortel. La grande faucheuse, aidée d’un tout petit virus, a fini par le rattraper. Parti cette nuit, Jean-Laurent Cochet laisse ce matin le monde du théâtre en deuil. Né en 1935 à Romainville, l’artiste a tout de suite voué sa vie à la comédie, à l’art dramatique. Petit, il rêvait de salles obscures, de scènes devant les colonnes Morris. Monté très tôt sur les planches, il a eu comme maître René Simon, fondateur des cours du même nom, Madame Simone, Maurice Escande ou Béatrix Dussane de la Comédie-Française. A 24 ans, il suit cette illustre sociétaire et devient à son tour pensionnaire du Français. Il y reste 4 ans.
Un enseignant hors-pair
Passionné, didactique, charismatique, il quitte les ors de la salle Richelieu pour d’autres cieux. Souhaitant à son tour transmettre son goût du jeu, le jeune trentenaire ouvre à son tour, en 1965, un cours d’art dramatique. Le succès est au rendez-vous. Les comédiens en herbe s’y pressent. Véritable vivier du théâtre et du cinéma, il va former avec sagacité et intelligence des générations de comédiennes et de comédiens de premier plan. Michèle Laroque, Isabelle Huppert, Emmanuelle Béart, Daniel Auteuil, Claude Jade, Richard Berry, Carole Bouquet, Maxime d’Abboville, ou plus récemment Mélanie Thierry sont tous issus de ses classes, ont tous écouté ses conseils avisés, ses avis exigeants, son refus de la facilité. Fabrice Luchini, l’un de ses élèves complices, le cite régulièrement dans ses interviews, dès qu’il évoque son métier, sa vocation.
Un comédien hors-mode
Des Célestins, où il fait ses débuts, à la Comédie-Française, en passant par le théâtre 14 et l’Hébertot, dont il fut un court temps l’administrateur, Jean-Laurent Cochet a toujours alterné entre le jeu et la mise en scène. Interprétant les grands textes du répertoire, ceux de Molière, de Marivaux, de Rostand ou de Feydeau, il a aussi aimé donner vie à des écritures plus contemporaines comme Guitry, Giraudoux ou Fauchois, l’auteur de Boudu sauvé des eaux. Mémoire du théâtre pour les uns, maître le plus érudit du répertoire dramatique pour les autres, il n’a de cesse d’explorer la prose et les vers.
Un metteur en scène prolixe
Ayant joué plus de 300 rôles au cours de sa longue carrière, il a mis en scène plus de 150 pièces. Colette, Labiche, Anne de Noailles, François Mauriac ou Jules Renard, entre autres, il s’empare de leurs mots et les fait vibrer. Avec la même pugnacité que pour ses cours, il dirige monstres sacrés et jeunes artistes. Ainsi, Claude Piéplu, Louis Seigner, Jean Le Poulain, Claude Brasseur, Rosy Varte, Jeanne Moreau, ou Jean-Pierre Bacri, vont remettre, sous la férule du grand homme de théâtre, leur ouvrage sur le métier.
Ayant consacrée toute sa vie au théâtre, Jean-Laurent Cochet a transmis un bel héritage à nombreux artistes. Si l’homme s’en est allé, son œuvre continue à vibrer, sa flamme d’animer encore et encore le cœur de ses élèves.
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
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