Comédien, réalisateur, auteur et plasticien, Claudius Pan est un touche-à-tout iconoclaste autant qu’insaisissable. Membre singulier de la scène « queer » underground, il signe avec Absolu, un premier long-métrage étrange entre un ovni poétique et un songe fantasmagorique.
Sur un fond noir s’affiche un court poème, une promesse, une note d’intention. Une musique douce ponctuée de bruit de tambour, souligne délicatement une voix susurrant une sorte d’incantation, une comptine mélancolique. En quelques minutes, le ton est donné. Loin de toute linéarité, de toute réalisme, Claudius Pan invite à plonger dans ses pensées et ses réflexions sur le monde, son état de délitation, de délabrement.
Conte surréaliste
Un corps tatoué, noirci, se nettoie à l’eau glacée d’une rivière. Deux hommes, incapable de s’aimer, de se parler, se débattent. La folie emporte l’un, l’autre. Jouant des contrastes, passant du noir et blanc à la couleur, à la surexposition, Claudius Pan brouille les pistes et cherche ailleurs sa vérité. Entre rêve sombre d’un futur mortifère et oracle d’une fin annoncée, l’œuvre singulière du jeune réalisateur ne ressemble à rien de connu. Elle est l’émanation de ses propres élucubrations, le reflet de son âme vibrante autant que troublée, le regard noir d’un artiste torturé mais terriblement vivant.
Des corps et des images
Des corps masculins s’entremêlent. Les peaux se touchent, s’effleurent, se réchauffent. Des créatures peintes, d’autres déguisées semblant sortir d’un tableau de Dali, hantent la pellicule. Alternant les styles, s’affranchissant des codes, des règles, Claudius Pan laisse libre court à ses fantasmes, ses divagations. Entraînant dans son univers mystique ses compagnons de route, ses amis – Louis Arene, Gaël Kamilindi, Romain Brau, Lionel Lingelser, Claude-Emmanuelle Gajan-Maull, Vladimir Perrin, Raphaël Lucas, Antoine Héraly, Anouck Hibley et Xavier Prieur – l’artiste convie à une expérience sensorielle et kaléidoscopique. Jeux de lumières, flou artistique, visages filmés au plus près, nature flamboyante, lieux abandonnés, tout est stylisé, rien n’est laissé au hasard. Le fantasme est maître. L’onirisme supplicié est roi.
Un poème avant tout
Ésotérique, utopique, sensuelle, charnelle, l’œuvre de Claudius Pan est unique. Elle s’inspire de son expérience chez les Radical Faeries, puise dans les bonnes pages de son roman Carpe Noctem, son souffle épique, poétique. L’amour, l’amitié, les relations particulières qu’il a aux autres en sont l’essence. Sa peur d’un avenir noir, d’une vie courte, son désir de tendresse, en sont le moteur.
Clairement, Absolu est une étrangeté, un film-rituel, comme le définit son réalisateur, qui séduit les uns, déroute les autres. Une évocation d’un monde en perdition qui touche à sa fin entre songe homo-érotique et rêverie obscure d’une humanité « queer ».
Olivier Frégaville-Gratian d’amore
Absolu de Claudius Pan, disponible gratuitement sur Youtube®
Crédit photos © Claudius Pan