Depuis une petite décennie, la blonde Agnes Obel invite à travers ses albums à un voyage céleste, un songe intérieur. Voix légère un brin berçante, son baroque mâtiné de violon, de violoncelle, elle revient avec un nouvel opus plein de grâce. Myopia est à écouter sans tarder faute de pouvoir assister à ses concerts européens, tous annulés.
Les yeux bleus, doux, le visage angélique, Agnes Obel a quelque chose d’évanescent, d’évaporé. Une fois, sa voix, si aérienne, entendue, on ne peut l’oublier. Elle vient régulièrement susurrer à l’oreille, envoûter les esprits, ensorceler les âmes. Au début, on ne fait pas bien attention, on se laisse porter. Puis on est saisi par cette pureté, cette quiétude qui se dégage insidieusement de toute sa personne, de la tonalité singulière de son timbre.
Une rencontre théâtrale
C’est en octobre 2014, à Créteil, à la Maison des Arts que Lucrèce Borgia de Hugo, version David Bobée, créée au Château de Grignan, est donnée. Dans un décor fait de tubulures de métal et d’eau, Béatrice Dalle joue les empoisonneuses, les vindicatives, les beautés vénéneuses. Scénographie magnétique, mise en espace impressionnante, le texte du dramaturge résonne brûlant, sibyllin. Le bal, où l’impérieuse Duchesse de Ferrare prépare sa terrible vengeance, va commencer. Une musique retentit. Un pincement répété de cordes, le son d’un violon, le souffle d’un alto, un murmure délicat, emplissent l’espace. En robe, danseurs, acrobates, circassiens, entrent dans la danse. Les gestes, les mouvements, réfléchis dans l’eau, convient aux songes, aux rêves. Le moment est suspendu, presque religieux. Agnes Obel et son titre mystique The Curse, s’est fait une place à part dans ma bibliothèque musicale, dans ma mémoire.
Les maux de l’inclassable artiste
Après trois albums encensés par la critique, plébiscités par un public de plus en plus nombreux, la danoise Agnes Obel revient sur le devant de la scène. Fille d’un Guitariste, passionnée de jazz, elle aime écouter Ravel, le Velvet Underground. Douée pour la musique, elle touche un peu à tous les instruments, mais c’est le piano qui a sa prédilection. Il est son oxygène, sa manière à elle, si délicate, de prendre son envol. Auteure, compositrice et interprète, elle se raconte, se livre, parle dans Just so avec pudeur de la dépression de son père. Ce sera sa première chanson, son premier succès. Voix et musique hypnotiques, elle capte jusqu’aux plus réticents. Quelques notes, et la magie opère, l’état extatique gagne les auditeurs.
Un quatrième opus aux pays des anges
Indépendante, intemporelle, continuant à tracer sa route hors des sentiers battus, Agnes Obel revient en ces jours sombres avec un nouvel album. N’hésitez pas à écouter, réécouter sans modération, faute de pouvoir la voir en concert, sa tournée printanière étant suspendue en raison de la pandémie de Coronavirus. Le son est plus dense, plus riche. Les instruments viennent souligner sa voix gracile, enivrante. Obsédée par son art, l’artiste se laisse emporter par la musique, griser par son art. Femme, amoureuse, éprise de solitude, vibrante, humaine, elle donne un peu d’elle-même, de son corps, de son âme dans chacun de ses morceaux. C’est tout simplement beau…Un moment de grâce, une bulle de délicatesse, dans une société hystérisante au bord de l’implosion !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Myopia d’Agnes Obel
Deutsche Grammophon
Lucrèce Borgia de Victor Hugo – Mise en scène de David Bobée est visible en streaming sur le site du CDN de Rouen Normandie
Crédit photos © Alex Brüel Flagstad