Claveciniste virtuose, compositrice de génie, Élisabeth Jacquet de La Guerre est certainement la plus connue des musiciennes de XVIIe siècle. Contemporaine de Lully, dont elle est l’égale, protégée de Louis XIV, elle a lutté pour exister, créer. Elle a réussi haut la main à s’imposer dans un monde d’hommes avant de sombrer, tristement, dans les arcanes de l’histoire.
Quelques jours avant le confinement, dans un petit restaurant fort sympathique du centre de Strasbourg, nous conversions, avec Brigitte Seth, Roser Montlló Guberna, l’équipe de A vue et celle de Pôle Sud – CDCN de Strasbourg, sur la place des femmes dans nos sociétés et tout particulièrement dans l’art. Après l’affaire des César, la discussion était fort animée. Entre ferveurs et convictions, chacun y va de son mot, de ses idées, de ses expériences. C’est ainsi que je découvre l’existence d’une femme d’exception, une sorte d’Artemisia de la musique, Elisabeth Jacquet de la Guerre.
Une femme hors du commun
Notre duo de choc, à la tête de la compagnie Toujours après minuit, s’est pris de passion pour cette enfant prodige, cette chanteuse hors pair, cette compositrice qui fut l’une des premières femmes à pouvoir signer ses partitions. Issue d’une famille de facteurs de clavecins, artisans qui construisent, entretiennent et restaurent ce type d’instruments Elisabeth Jacquet a la musique dans le sang. Initiée par son père, organiste de l’église Saint-Louis-en-l’Isle, elle se produit à l’âge de cinq ans devant le roi de France, Louis XIV. Repérée par Madame de Montespan, elle côtoie la cour où son talent est apprécié. Mariée, c’est à Paris qu’elle exerce son art. Interprète, improvisatrice hyper douée, elle compose suites, sonates et cantates.
Un projet de portrait
Féministes, Brigitte Seth et Roser Montlló Guberna le sont c’est une évidence, c’est ancré dans leur art, gravé dans leur peau. Elles ne le revendiquent pas à tout crin. Elles sont plus subtiles que ça. Tous leurs travaux, toutes leurs œuvres, sont mâtinés d’humanisme, de leurs regards sur la société, de leur engagement. Alors quand la violoniste Florence Malgoire, leur parle de cette artiste oubliée, que le Mercure galant en 1691 désigne comme « La première musicienne du monde », elles sautent à pieds joints. Elles imaginent La merveille du siècle, un portrait musical, un spectacle entremêlant les arts vivants.
Une émancipation hors norme
S’affranchissant de la musique de Lully son grand rival, Elisabeth Jacquet de La Guerre impose son style où le profane côtoie le spirituel, où l’intime et l’audace s’embrasent. Femme, artiste, son œuvre touche car elle parle à l’humain, à l’âme, même si son opéra Céphale et Procris ne rencontre pas le succès escompté. Les mentalités de l’époque ne sont pas encore prêtes à recevoir un tel ouvrage créé par une dame, aussi talentueuse soit elle. Disparaissant peu à peu des mémoires, évoquée de temps à autre par quelques musicologues experts, la Compositrice devrait, grâce à Florence Malgoire, Brigitte Seth et Roser Montlló Guberna, faire les beaux jours du Festival Format Raisin à La Charité-sur Loire en juillet prochain.
Et si vous n’avez pas le temps d’attendre, vous pouvez retrouver ces œuvres sur toutes les plateformes de musique. Laissez-vous charmer !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
La merveille du siècle de Brigitte Seth et Roser Montlló Guberna
Festival Format raisin
Direction musicale de Florence Malgoire
Mise en scène de Roser Montlló Guberna et Brigitte Seth
Texte d’Hervé Mestron
Distribution en cours
Oeuvres proposées :
Sonates pour le Violon et le Clavecin (1707).
Sonate VI pour violon et basse continue en la mineur.
Cantate n°3 (1715) : Le sommeil d’Ulysse.
Premier Livre de Pièces de Clavecin (1687)
Suite pour clavecin en la mineur.
Judith, Cantate n°6, Livre I (1708)
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