Souriante, blonde, hyperactive, Flavie Fontaine aime les défis. Professeur d’art dramatique, fondatrice de la compagnie la Guild, comédienne et metteuse en scène, la jeune femme investit les locaux de l’ancienne Loge pour créer son propre lieu : La Flèche. Une aventure palpitante qui met l’exigence au cœur de son projet.
Au cœur du XIe arrondissement, derrière la façade en pierres de taille de l’immeuble bourgeois datant de 1886, sis au 77 rue de Charonne, un lieu atypique et extraordinaire se dévoile : une cour industrielle des plus charmantes. Dans ce bâtiment, où étaient jadis installés, des ateliers, répartis sur cinq étages en U et desservis par des coursives, se cache une salle atypique de théâtre, la Flèche. C’est dans ce lieu de création que nous a donné rendez-vous la toute nouvelle directrice, Flavie Fontaine. La voix éraillée, le regard malicieux, elle nous accueille avec chaleur, nous invite à une balade dans les locaux, qu’elle a entièrement retapés. Rencontre avec une fonceuse, une jeune femme volontaire.
Qu’est-ce qui vous a attiré dans le monde du spectacle ?
Flavie Fontaine : Depuis que je suis toute petite, je suis passionnée par tout ce qui a trait à l’art vivant. J’étais haute comme trois pommes, que j’avais déjà décidé que plus tard, je serais ballerine. Ce n’était pas forcément la carrière que mes parents souhaitaient pour moi. Il faut dire que je suis née à Nantes, dans un milieu plutôt bourgeois, une famille de médecins Même s’ils sont très ouverts, on devait tous faire du sport et de la musique, ils avaient d’autres ambitions, d’autres appétences. Je crois qu’ils avaient peur pour moi. C’est un monde qu’ils connaissaient mal, même si ma mère, jeune allait souvent voir des spectacles. Mais je suis opiniâtre. J’ai persévéré. Si j’ai fait beaucoup de danse enfant, j’aimais déjà jouer, me produire sur des scènes improvisées avec mon frère, on s’amusait à monter des spectacles, à faire des sketches. Le jeu, la créativité ont toujours fait partie de moi. Delà, à devenir comédienne, je n’y pensais pas. J’ai toutefois toujours mis un point d’honneur à aller jusqu’au bout de mes choix, de mes envies. J’ai fait en sorte que mon désir devienne réalité. Au collège, j’ai eu la chance de commencer des cours de théâtre. Ce fut le début de la fin. Je n’ai jamais arrêté depuis de consacrer ma vie à l’art vivant. J’ai eu mon bac, condition sine qua none. Puis j’ai quitté ma province, comme on dit, et je suis montée à Paris. J’ai fait une année de fac de langues, de littérature et de civilisations étrangères. Mais, très vite, J’ai compris que c’était le jeu qui m’intéressait. Logiquement, j’ai passé le concours de l’école la plus connue, le cours Florent. C’était le début de liberté, le réseau, l’espoir de pouvoir faire le métier que j’avais tant désiré.
Quand avez-vous su que ce qui vous convenait vraiment c’était la mise en scène ?
Flavie Fontaine : C’est un peu arrivé inconsciemment, petit à petit. Comme je l’ai évoqué, à la base, je voulais être danseuse. Je me suis rendue compte assez rapidement que ce n’était pas pour moi, que je n’avais pas poussé les bonnes portes au bon moment. Comédienne, c’est un peu différent, cela a pris plus de temps. Il m’a fallu, un peu plus de dix ans, pour me rendre compte que je n’étais pas à ma place. Quelque chose me pesait, je ne savais pas quoi. Puis je suis passée derrière la scène, dans les coulisses. J’ai mis en scène, une pièce dans laquelle je jouais seule. J’y ai pris plaisir, je m’y suis retrouvée. Hyper pudique, j’ai compris que cela ne m’intéressait pas d’être la lumière. J’adore parler, échanger, partager. J’aime aussi qu’on m’écoute. Dans la foulée, j’ai créé ma compagnie et j’ai commencé à donner des cours. J’ai trouvé mon équilibre. Je m’épanouis dans cette voie. J’éprouve un vrai plaisir.
Comment l’idée vous est-elle venue d’avoir votre propre théâtre ?
Flavie Fontaine : C’est une suite logique des choses. Je mets en scène, j’enseigne depuis plusieurs années l’art dramatique à des adultes, des amateurs, parfois à des professionnels. Avec eux, je fréquente souvent les salles de spectacle. Je prends plaisir à découvrir de nouveaux textes, de nouvelles troupes. Cela m’a donné envie d’aider des compagnies à monter leurs projets. Cela touche à l’humain, à l’artistique, des choses qui me parlent, me font frissonner. Alors quand le local de la Loge a été sur le marché, j’ai foncé. J’ai appelé les anciens directeurs du lieu. J’ai cherché les contacts. On s’est rencontré. Cela a été une rencontre décisive, comme une évidence. C’était une vraie opportunité, mais aussi un risque. C’est un peu flippant, mais tellement moteur, tellement excitant. Un challenge de tous les instants, comme j’aime. Si le théâtre est actuellement privé, je travaille en étroite collaboration avec la mairie du XIe arrondissement pour qu’à terme la Flèche soit subventionnée. Martine Debieuvre, l’adjointe à la culture du quartier, est épatante. Elle suit de près l’aventure. C’est assez agréable, c’est un soutien précieux, notamment en période de doute.
Pourquoi la Flèche ?
Flavie Fontaine : En fait, parce que c’est un lieu qui bouge, toujours en mouvement. Je voulais que dans le nom du lieu, on ressente la dynamique, la mobilité, la détermination. Il fallait que ça aille vite et que l’on comprenne qu’on avait un cap, une direction. Puis subjectivement, j’aime, l’objet, son côté effilé, élégant, son aspect guerrier aussi. Par ailleurs, quand tu tires avec un arc, il y a toujours un mouvement de recul pour avoir une vue d’ensemble. C’est tout à fait à quoi ressemblece lieu que j’ai créé.
Quel est votre ligne directrice ?
Flavie Fontaine : Principalement, de lancer des projets. Je vois vraiment ce lieu comme un incubateur, un lieu pour offrir l’opportunité à de jeunes compagnies de pouvoir créer et jouer. Je prends le pari de leur proposer de belles périodes d’exploitation pour permettre au public et aux professionnels de voir leur travail. C’est capital, c’est l’un des nerfs de la guerre pour que les spectacles puissent grandir et vivre en dehors de la Flèche. C’est ce qui s’est passé avec Hugues Jourdain et son adaptation du premier roman de Dustan, Dans ma chambre. J’avais vu une maquette, j’ai aimé, je lui ai donné sa chance. Et il vient de jouer plusieurs mois au Petit-Saint Martin. Ça me rend heureuse. Il est super ce garçon, il a un talent fou. J’aimerais que dans quelques années, ce soit cela que l’on retienne de la Flèche, un endroit où il est possible de démarrer avec rien, de grandir, un lieu où l’on déniche les projets et les talents. Je me considère comme une chercheuse de pépites. J’espère découvrir de belles choses, de belles personnes et les aider à concrétiser leurs idées, à leur donner corps. Du coup, la programmation évolue au fil du temps. Tous les deux mois, quatre fois par an, je la change.
Allez-vous y monter vos propres pièces ?
Flavie Fontaine : Non, ce n’est pas prévu. Je ne veux pas tout mélanger. Et clairement, je ne pense pas avoir le temps. Si je dois créer, je ne veux pas que cela soit précipité. Ce n’est pas moi. Je suis une personne très exigeante. Je ne me contenterai pas de faire le travail à moitié. Pour l’instant, je consacre mon temps aux autres. Je les aide à monter leurs projets, à présenter leurs spectacles à la Flèche. L’important est de tenir le lieu, de faire en sorte que l’expérience soit riche et fructueuse. Je suis persuadée que mélanger les genres à ce stade serait totalement contre-productif.
Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
La flèche
77, rue de Charonne
75011 Paris