Sous les ors de l’Hôtel de Ville, en collaboration avec la cinémathèque, le cinéma fait son coming out. Des Pédale douce enpassant par Querelle, Mort à Venise ou plus récemment 120 battements par minute, le 7eart dévoile sa longue histoire avec la communauté LGBT+. Un voyage passionnant à découvrir au plus vite.
Le cinéma français et international flirte depuis longtemps avec la communauté LGBT+. Après des débuts chaotiques, souvent underground, n’hésitant pas à jouer la carte du subliminal pour ne pas trop heurter les sensibilités, les cinéastes rivalisent d’imagination pour croquer des personnages à la sexualité différente. Ainsi en 1932, dans Madchen in Uniform de Leontine Sagan, une adolescente tombe amoureuse dans un internat d’une jeune professeure. Le film, brûlot antimilitarisme, eut un gros succès tant en Allemagne qu’aux États-Unis, malgré un parfum de scandale saphisme. Suivront des long-métrages marquants, comme en 1933 La reine Christine de Rouben Mamoulian, interprétée par la divine Greta Garbo, qui compte l’histoire de cette souveraine suédoise au caractère fort masculin, qui refusa mariage et couronne, ou comme les films de Jean Cocteau sublimant le jeu de son amant Jean Marais.
Rapidement, les personnages LGBT+, notamment en raison de leur sexualité considérée comme trouble, sont les méchants de l’histoire comme dans Rebecca d’après le roman de Daphnée du Maurier adapté en 1940 par Alfred Hitchcock, où la gouvernante Mrs Danvers folle d’amour pour son ancienne maîtresse fait vivre un enfer à la nouvelle et jeune propriétaire des lieux. La raison en est simple, le code Hays – code américain de censure et de bonne conduite – oblige les réalisateurs à utiliser de subterfuges pour montrer à l’écran des personnages LGBT+. Pour que la morale soit sauve, soit ils meurent, soit ils sont les affreux de l’histoire.
Mais, la révolte de Stonewall, il y a plus de 50 ans, ainsi que les films de cinéastes indépendants, voire underground, comme Sam Waters, vont encore modifier la perception de l’homosexualité sur grand écran. Entre films de genre, films porno et films grand public, la place des LGBT+ change, évolue. De l’impayable Zaza Napoli de la Cage aux folles en 1978, incarnée avec délice par Michel Serrault, à Daniel, le premier homo véritable positif et non caricatural du cinéma français, interprété par Claude Brasseur dans un Éléphant ça trompe énormément en 1976, c’est tout un pan de l’histoire du 7e art qui s’affiche dans les salons de la mairie de Paris.
Pensée, planifiée dans ses moindres détails, par les réalisateurs Michèle Collery, Alain Burosse et Jean-Baptiste Erreca, le producteur Laurent Bocahut et le journaliste Didier Roth-Bettoni, l’exposition Champs d’Amours, qui fait référence à l’œuvre de Jean Genet, un Chant d’amour, plonge dans les archives de la cinémathèque et retrace plus d’un siècle de cinéma grâce notamment à une centaine d’extraits de films, de photos et d’affiches. De la comédie burlesque au film d’auteur, comme ceux de Rainer Werner Fassbinder, de Derek Jarman ou de Pier Paolo Passolini, c’est tout un monde qui s’ouvre aux visiteurs, une relecture d’œuvres classiques ou plus contemporaines.
Un couloir, huit salles, chacune consacrée à une thématique allant du Paris Gay, à la censure ou aux différents festivals qui ont fini par voir le jour pour consacrer les films arc-en-ciel, constituent le parcours imaginé par Pascal Rogriguez, qui rend compte à la fois d’un esthétisme, d’une diversité, mais aussi de l’importance de la bande-son. Ainsi, où que l’on soit, les standards de la musique « queer » utilisés dans Pride ou dans Priscilla, folle du désert, nous accompagnent, nous bercent, nous entraînent.
Champs d’amours est un moment hors du temps, un cocon qui fait oublier un temps la dureté d’un monde où l’homophobie galopante continue à faire beaucoup trop de victimes, l’affirmation d’un geste politique, l’instantané qui ancre les LGBT+ dans la vie, dans le quotidien.
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
CHAMPS D’AMOURS – 100 ans de cinéma arc-en-ciel
Hôtel de ville Salle Saint Jean
5, rue Lobau
75004 Paris
Jusqu’au 28 septembre 2019
du lundi au vendredi de 10h à 18h30 et samedi de 10h à 19h.
Entrée gratuite