En cette période estivale, le musée d’Orsay ouvre ses galeries d’exposition à Berthe Morisot, une peintre impressionniste, trop longtemps reléguée au second plan, car femme dans un monde d’hommes. Ses pastels, ses marines, ses évocations de la vie quotidienne font d’elle, une grande artiste, une figure centrale de l’univers pictural avant-gardiste de la fin du XIXe siècle.
Filles de bonne famille, Berthe Morisot et sa sœur Edma, de deux ans son ainée, reçoivent une éducation complète où l’art a une place de choix. Elles apprennent notamment le dessin, la peinture sous la férule du Lyonnais Joseph Guichard. Très vite impressionné par le talent de ses élèves, il constate qu’au-delà de l’agrément que leur procure cette discipline, elles ont tout pour devenir des artistes à part entière, une « révolution » voire une « catastrophe » dans leur milieu, la grande bourgeoisie.
Qu’à cela ne tienne Les deux sœurs, descendantes par leur mère du célèbre Fragonard, qui n’est autre que son grand-oncle, continuent dans cette voie, affinent leur propre style qui s’inscrit clairement dans ce courant avant-gardiste qu’est l’impressionnisme. Rapidement, elles rêvent de plein air, de peindre la nature. Guidées par Corot, elles s’exercent sans relâche, se cherchent, travaillent couleurs et matières. Edma finit par abandonner toiles et pinceaux après son mariage, mais reste toutefois une source d’inspiration pour sa sœur. Berthe continue. Elle produit quantité d’œuvres, expérimente. Se rapproche d’Édouard Manet, dont elle sera bientôt la belle-sœur, mais aussi le modèle. Au début de leur rencontre, leur manière de s’exprimer, de traiter les sujets, de donner vie à la peinture est assez proche. Leur toucher se ressemble comme on peut le constater sur des œuvres comme la Lecture ou la Femme en noir.
Puis, en artiste qui s’émancipe de ses mentors, de son sexe, Berthe Morisot continue à creuser son chemin, à trouver sa voie, sa propre palette, plus pastel, plus douce. Longtemps considérée comme une femme peintre s’intéressant plutôt à des sujets féminins, elle affirme au fil des œuvres un féminisme d’avant-garde. Derrière la douceur, la légèreté et la bucolique que dégagent ses tableaux, une autre personnalité, plus affirmée, affleure dès qu’on regarde de plus près, les compositions semblent intuitives comme hachurées de traits aux multiples couleurs ; l’homme (son mari Eugène) fait la lecture à sa jeune fille, la mère est absente, c’est elle qui travaille, elle peint.
Présentée de manière trop académique, quasiment chronologique, l’œuvre de Berthe Morisot aurait certainement méritée plus de finesse dans l’accrochage. Malgré tout, il faut saluer le travail du Musée d’Orsay qui a ainsi réhabilité cette artiste d’exception, figure centrale de l’impressionnisme. Boudée en Europe, la plupart de ses tableaux proviennent de collection privée ou muséale d’outre-Atlantique, dont certains n’ont pas été vus sur le sol français depuis plus de cent ans. C’est dire l’importance de ne pas rater cette rétrospective qui souligne le talent d’une artiste résolument moderne, qui a su dépasser son sexe et son temps.
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Berthe Morisot (1841-1895)
Musée d’Orsay
1, rue de la Légion d’Honneur
75007 Paris
Jusqu’au 22 septembre 2019
Du mardi au dimanche de 9h30 à 18h, nocturne (21h45) le jeudi.
Prix d’entrée entre 11 et 14 euros
Crédit photos © Image Art Institute of Chicago / © Cleveland Museum of Art / © Musée Marmottan Monet, Paris – the Bridgeman Art Library.