Regard doux, voix chaleureuse, Alysson Paradis vit avec beaucoup de bonheur son deuxième Avignon. La fièvre du festival, son intensité fait vibrer son cœur de comédienne, son amour des planches. Alors qu’elle joue tous les fins d’après-midi au théâtre du Roi René dans Oh Maman ! de Stéphane Guérin, elle a accepté le temps d’une pause de revenir sur sa carrière.
Blonde l’an passé dans les rues de la cité des papes, c’est cheveux châtains qu’on retrouve Alysson Paradis pour cette nouvelle édition du Festival d’Avignon le OFF. Souriante, décontractée, la comédienne est maintenant une habituée des lieux. « J’avoue, dit-elle avec amusement, je me suis pris au jeu. J’aime cette ambiance studieuse autant que festive, ce moment hors du temps, du monde. Je n’étais pas sûr de revenir cette année. Maintenant que je suis là, j’ai déjà envie, le désir de revenir l’an prochain. Je cherche déjà des projets qui pourraient m’intéresser. »
Lesbienne amoureuse d’une grande comédienne jouée par Florence Darel dans Récréation de Sam Azulys et Arnaud Bertrand en 2018, elle revient à Avignon en jeune femme paumée, mère d’un enfant handicapé, ayant du mal à boucler les fins de mois dans Oh Maman ! de Stéphane Guérin. Née en région parisienne, Alysson Paradis baigne depuis sa plus tendre enfance dans le monde du spectacle. « Je ne me suis pas levée un matin, se confie-t-elle, en me disant je veux devenir actrice, faire du théâtre. Je n’ai pas eu de révélation. Je crois que petite, j’ai été conquise par cet univers un peu à part de la réalité, où finalement tout est possible. Avec deux de mes proches dans ce milieu, j’ai l’impression que cela a toujours fait partie de ma vie. Il m’est donc impossible de pointer un moment précis où tout s’est décidé. » Inscrite par ses parents au laboratoire de l’acteur, la comédienne en devenir se forme en suivant des stages au théâtre de l’Atelier, notamment. Rapidement, elle entre dans la vie active. Les projets s’enchainent, plutôt devant la caméra dans un premier temps.
De court-métrages en moyen-métrages, elle fait ses armes. Le théâtre est venu plus tard. Il est le fruit d’un désir, de rencontres avec des producteurs, des metteurs en scène, des comédiens. « Je crois que je n’étais pas prête, explique-t-elle. J’avais besoin d’apprendre à me tenir sur scène. J’ai donc intensifié, en parallèle de mes premiers cachets, ma pratique de la danse classique et contemporaine. Une discipline que j’ai commencé dès mes trois ans. Cela a été très instructif, ça m’a permis d’exprimer autrement mes émotions, de faire parler mon corps. »
Thierry Chèze, critique de cinéma, qui, à l’époque écrivait à Studio magazine, fut le premier à lui mettre le pied à l’étrier, à lui ouvrir les portes du grand écran. « On s’est vu lors d’un festival, raconte-t-elle. Très vite, on a sympathisé. Il m’avait aperçue dans plusieurs projets que je défendais et a tenu à parler de moi à Franck Ribière, un producteur de cinéma. » les essais ont été concluants. Alysson Paradis décroche son premier grand rôle au cinéma dans A l’intérieur de Julien Maury en 2007. « Ce fut une belle expérience, confie-t-elle. Le personnage que j’y incarne est tellement fort, tellement sombre, que beaucoup ont cru que c’était une part de ma personnalité, que j’étais dépressive. Du coup, on ne me proposait que des rôles similaires. Je ne voulais pas m’enfermer dans une case. J’ai donc refusé pas mal de beaux projets. »
Nouveau tournant dans la carrière de la jeune femme, elle est contactée pour intégrer l’équipe de la série QI, une vraie comédie. « C’était inespéré, raconte-t-elle, quitter les drames pour le rire. Enfin, avoir un rôle solaire qui est plus proche de ce que je suis dans la vraie vie et de ce que j’ai envie de défendre aussi. » Après avoir tenté sa chance dans plusieurs spectacles amateurs, le théâtre est revenu en filigrane, par touche. Le vrai déclic a été sa participation à la pièce Nulle part ailleurs. « A la base, explique-t-elle, je devais assister la metteuse en scène, puis la comédienne principale ne pouvait pas être présente pour la lecture. Je l’ai donc remplacée. C’était pour dépanner. Au final, j’ai fait le rôle dans le cadre des Mises en capsule au Théâtre Lepic anciennement ciné XIII. C’était assez étrange. La scène me paralysait. J’avais peur de ne pas être faite pour les planches. Ça a été une vraie révélation. J’ai pris un plaisir de dingue. »
Après une pause pour s’occuper de son enfant, Bernard Murat revient vers Alysson Paradis et lui propose de rejoindre le casting de La Récompense au Théâtre Edouard VII. Définitivement, le goût de la scène fait maintenant partie intégrante de ses désirs de comédiennes. « J’ai beaucoup de chance, avoue-t-elle, de pouvoir passer des planches au plateau. J’aime prendre le temps de construire un personnage, d’aller à sa rencontre, ce qui est la grande force du théâtre. C’est très excitant. Au cinéma, on joue, on passe à autre chose, ce qui permet d’explorer différents univers. J’espère continuer à m’épanouir dans ces deux arts. »
Après Récréation, l’an passé, la jeune femme a hésité un peu avant de se décider à revenir au Festival d’Avignon Le OFF. « C’est une ambiance très particulière, explique-t-elle. C’est épuisant. La rencontre avec Brice Hillairet, mon partenaire sur scène, la vie de troupe, voir cette ville ne vivre que pour ça, cela m’a plu. Ça grouille théâtre à tous les coins de rue. Tu vois mille choses. Tu ris tu te mets en colère. A Paris on n’irait jamais autant au théâtre. C’est quand même magique. Alors quand Stéphane Guérin, dont j’avais beaucoup aimé la pièce Kamikaze, m’a proposée de rejoindre le projet Oh Maman ! J’ai été flattée, j’avoue. Je n’ai pas hésité, j’ai rempilé. » Au côté de Grégory-Antoine Magaña et Garance Bocobza, dont la compagnie fraîchement créée est porteuse du projet, de Guillaume Sentou, elle remonte sur les planches avignonnaises sous la direction d’Héléne Zidi au théâtre du Roi René, comédienne et metteuse en scène qui fut sa professeure au laboratoire de l’acteur. « Le texte, un bijou d’humour noir, la rencontre avec Garance et Grégory-Antoine, des super héros qui ont eu le culot de demander une pièce à Stéphane, et les retrouvailles avec Hélène, s’amuse-t-elle, ont fait le reste. Et puis soyons honnête, Cela répondait à une envie presque viscérale. »
Prénommée Gwladys, Alysson Paradis est la première fille de cette famille qui ne sait pas communiquer, qui est incapable d’avouer leur sentiment, la deuxième enfant. « Disons-le tout net, explique la comédienne, mon personnage a une vie de merde. Elle n’a pas une thune vaillante. Elle élève seule un enfant handicapé, qu’elle a dû mettre dans un institut. Du coup, elle passe son temps à culpabiliser. Faisant tampon entre ses frères et sa sœur à quatre jours de l’enterrement de leur mère, elle déprime et fait en sorte que tout se passe pour le mieux. Le retour du grand frère parti tenter sa chance à Paris, devenu auteur à succès, va fragiliser les liens entre eux. C’est jubilatoire à jouer et le public est séduit, que demandait de plus. »
Loin de s’arrêter en si bon chemin, Alysson Paradis a participé au côté d’Emmanuel Bouaziz, le 16 juillet dernier à la lecture de Marginale de Martin Jacques, mise en espace par Sophie Gurbi. Une pièce qu’elle espère bien voir monter un jour. En parallèle, elle a tourné dans deux séries et un film qui vont bientôt sortir et elle s’apprête en septembre à retourner devant la caméra pour un long métrage. En attendant, festivaliers et avignonnais, courrez au Théâtre du Roi René (re) découvrir cette fabuleuse comédienne au jeu ciselé à la présence lumineuse. Rires garantis !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore & Marie Gicquel – envoyés spéciaux à Avignon
Oh Maman ! de Stéphane Guérin
Festival d’Avignon le OFF
Théâtre du Roi René
4, rue Gravolas
Jusqu’au 28 juillet 2019 à 19h10 ( du 10, 17 et 24 juillet 2019)
Durée 1h20
Mise en scéne d’Hélène Zidi assisté d’Alexandre Bialy
Avec Guillaume Sentou, Alysson Paradis, Grégory-Antoine Magaña, Garance Bocobza
Scénographie & costumes de Marie Hervé
Lumière de Denis Koransky
Création sonore d’Alain Governatori
Régie générale de Lou Chéruy-Zidi
Régie de Mathieu Ciron
Crédit photos © DR / © Moneypenny Productions