Ce Démocrate, c’est Edward Bernays. Son portrait est affiché sur le mur du fond avec ses dates 1891-1995. Il a donc connu la fin du XIXe siècle et traversé ce cruel XXe siècle. Neveu du psychanalyste Sigmund Freud, arrivé à l’âge d’un an aux États-Unis d’Amérique, ce publicitaire de génie est considéré comme le père de ce qu’aujourd’hui l’on nomme les influenceurs !
La toute-puissance de la communication

Pour Edward Bernays, toucher l’inconscient – cette chose gouvernée par des pulsions primaires, telle que la définit son tonton Sigmund – est le meilleur moyen de s’adresser aux consommateurs. C’est lui qui expliquera aux Américains l’importance d’un petit-déjeuner copieux. Il répondait ainsi à la demande des industries agroalimentaires qui cherchaient à vendre davantage. C’est, encore lui, qui, pour une marque de cigarette, fait comprendre aux femmes que « fumer c’est chic ». Voilà pour l’aspect publicitaire où l’on crée une demande pouvant manipuler et modifier les habitudes et la société.
Cette « fabrication du consentement » marche tout aussi bien avec le politique et pas uniquement pour les dictatures. Les présidents Américains sauront s’en servir lors de la Guerre Froide et, comme cela se profile, encore de nos jours. « La manipulation consciente, intelligente, des opinions et des habitudes de masses jouent un rôle important dans une société démocratique. Ceux qui manipulent ce mécanisme social imperceptible forment un gouvernement invisible qui dirige véritablement le pays », écrivait-il en 1928, dans son ouvrage intitulé, Propaganda.
Une machine théâtrale impressionnante

Julie Timmerman est brillante. Son récit est remarquablement organisé. Sur le mode cabaret et un ton burlesque à la Karl Valentin, elle enchaîne dans un rythme effréné les saynètes. La vie et les actions de cet homme complexe défilent, entraînant avec elles les évolutions et révolutions qui ont bouleversé le XXe siècle pour dessiner les contours de ce XXIe siècle balbutiant.
Comme pour L’affaire Rosalind Franklin, sa mise en scène est très visuelle, avec des effets et un dispositif scénique ingénieux. Interprétant plusieurs rôles, se partageant même celui d’Edward Bernays, Mathieu Desfemmes, Anne Cressent, Jean-Baptiste Verquin (en alternance avec Guillaume Fafiotte) et Julie Timmerman nous embarquent dans ce tourbillon infernal qui fait autant frémir que rire. En caisse de résonance sur notre monde actuel, ce spectacle fait un bien fou…
Marie-Céline Nivière
Un démocrate, texte et mise en scène Julie Timmerman.
Théâtre de la Concorde
1 avenue Gabriel
75008 Paris.
Du 10 au 26 avril 2025
durée 1h15.
Avec Anne Cressent, Mathieu Desfemmes, Guillaume Fafiotte ou Jean-Baptiste Verquin, Julie Timmerman
dramaturgie de Pauline Thimonnier
scénographie de Charlotte Villermet
lumière de Philippe Sazerat
costumes de Dominique Rocher
musique de Vincent Artaud
son de Michel Head
assistante à la mise en scène Claire Chaineaux
stagiaire Christine Nogueira.
Texte édité chez C & F.