Tempête de Sébastien Ventura © Camille Deslandes
© Camille Deslandes

Tempête : Le gay bordel de Sébastien Ventura 

Au Bouffon Théâtre, Sébastien Ventura croque avec gourmandise les membres d’une famille au bord de l’implosion. Une fresque tragi-comique où se joue l’effacement d’un fils homosexuel.

Ce soir, Bernard fête ses 50 ans. Tous ses amis se sont réunis dans son chalet, loin de la ville, pour célébrer l’événement. Il y a d’abord Rodrigo, le majordome moldave à l’accent québécois, qui en pince pour son patron et n’est pas contre être – « en cachette bien sûr » – son jouet sexuel. Puis Catherine, l’épouse éteinte, accro aux anxiolytiques et au champagne et Wendy, leur fille, capricieuse et peste sur les bords, recluse dans sa chambre. Les amis de toujours sont là aussi, vieux complices des années 70, des partouzes et des nuits folles. Et enfin, Fanny Ardant. Ou plutôt son double, extravagant et lunaire. Manque Andy, le fils… parti. En Syrie, dit-on.

Tempête de Sébastien Ventura © Arthur Veron

Avec une énergie folle, Sébastien Ventura se glisse dans chacun des personnages. Il joue, chante, danse, bondit. Il construit un récit kaléidoscopique où, par bribes, une autre réalité affleure. Comme dans toutes les familles, celle-ci – aussi caricaturale qu’universelle – cache ses blessures, ses silences. L’homosexualité du père, d’abord. Puis celle du fils. Le premier se dissimule. Le second a osé vivre au grand jour, quitte à disparaître. Le plus tragique, c’est ce père qui préfère encore s’imaginer son enfant en djihadiste plutôt que de l’accepter gay et heureux.

Le comédien brise sans cesse le quatrième mur, joue avec le public, le prend à témoin et l’implique dans la fête comme dans le chaos. Il libère la parole,  la sienne d’abord, et avec une espièglerie salvatrice, celle des femmes, des actrices, des mères, toutes en lutte contre le patriarcat et les assignations. La soirée part en cacahuète, les masques tombent, les mensonges éclaboussent. Attention, c’est drôle tout autant que sanglant.

Porté par une mise en scène foisonnante signée Camille Roy, Sébastien Ventura déploie un talent fou. Il habite le plateau avec ses mille facéties, ses ruptures, ses fulgurances. Son imitation de Fanny Ardant est tout simplement inénarrable. Mais peut-être, à trop vouloir en dire, à trop vouloir tout montrer, il s’égare un peu dans son propre labyrinthe. Quelques coups de ciseaux dans le texte ne feraient pas de mal. Car sa Tempête, à peine resserrée, pourrait devenir un véritable ouragan, capable d’emporter dans son sillage les préjugés, les hontes et la bêtise ordinaire.


Tempête de Sébastien Ventura
Bouffon Théâtre
26-28 rue de Meaux
75019 Paris
tous les jeudis jusqu’au 8 mai 2025
Durée 1h20 environ 

Mise en scène de Camille Roy
Avec Sébastien Ventura

Création lumière de Cécile Botto
Scénographie de Najma Darouich

Création musiques et sons de Benjamin Ribolet
Chorégraphie de Laura Desideri

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