À peine les représentations des Contes de Perrault terminées à l’Athénée – Théâtre Louis-Jouvet, Valérie Lesort s’attaque aux cabarets d’Hanokh Levin. Regroupés dans un recueil traduit de l’hébreu par Laurence Sendrowicz, ces textes courts, écrits tout au long de la vie du dramaturge israélien, sont de véritables pépites satiriques, aussi drôles que cruelles. Tous les petits travers des hommes et des femmes y sont disséqués avec un sens aigu de la nature humaine, de ses failles, de ses fêlures et de ses doutes.
Du Cartoon et des paillettes
Dans un univers cartoonesque qui emprunte à Roy Lichtenstein son graphisme, et à l’univers drag ses faux-cils, paillettes et extensions corporelles exagérées, la metteuse en scène s’amuse à donner à l’œuvre de Levin des couleurs acidulées, flirtant parfois avec le mauvais goût sans jamais sombrer dans le vulgaire. L’esthétique assumée de l’hyper-moche inspirée des métamorphoses du transformisme, donne à voir des créatures déformées, touchantes dans leur outrance, qui accentuent l’ironie tendre du propos. Le public se régale de ces personnages bien trempés : cet homme insignifiant qui tente désespérément de retenir l’attention, cette femme excédée par la mollesse de son mari, ce voyageur perturbé parce qu’à l’hôtel, on ne le borde pas, cette femme lourdement handicapée qui décline ses douleurs sans la moindre pudeur, ou encore cette cousine lointaine de Tatie Danielle, aussi méchante qu’irrésistible.
Surréaliste par le style, hyperréaliste par le ton, Que d’espoir ! façon Valérie Lesort se déguste avec un réel plaisir tant les quatre artistes s’en donnent à cœur joie. Déguisés, maquillés, transformés à vue selon le principe d’un jeu de Monsieur Patate géant, ils n’hésitent pas à en faire des caisses pour surprendre leur auditoire, parfois jusqu’à la gêne, qu’on leur pardonne aisément tant leur folie délicieuse fascine et captive.
Distribution éblouissante
Valérie Lesort (en alternance avec Céline Milliat-Baumgartner), Hugo Bardin alias Paloma, David Migeot séduisent par leur jeu extravagant et leur capacité à se réinventer dans chacun des rôles qu’ils campent. Et puis, il y a Charly Voodoo, révélation de cette performance démentielle. Pianiste virtuose et créature habituée de chez Madame Arthur, il fait ici ses premiers pas en tant que comédien. Véritable diva en talons aiguilles, il se glisse avec justesse et ingéniosité dans la peau siliconée de chacun de ses personnages. Tout simplement sidérant !
Porté par une mise en scène rythmée, Que d’espoir ! est une sacrée comédie noire où les numéros s’enchaînent follement, où l’esprit cynique de Levin habite ingénieusement la scène et où le cabaret se fait théâtre à la perfection. Entre monstruosité joyeuse et tendresse, ce cabaret théâtral esquisse le portrait d’une humanité cabossée, risible et infiniment émouvante.
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Que d’espoir ! Cabaret théâtral – Textes choisis parmi les cabarets de Hanokh Levin
Textes français de Laurence Sendrowicz © Éditions Théâtrales
Théâtre de l’Atelier
1 place Charles Dullin
75018 Paris
à partir du 24 avril 2025
Durée 1h10 environ
Mise en scène Valérie Lesort assistée de Florimond Plantier
Avec Valérie Lesort en alternance avec Céline Milliat-Baumgartner, Hugo Bardin, David Migeot, Charly Voodoo
Collaborateur artistique – Hugo Bardin
Composition de Charly Voodoo
Création lumières de Pascal Laajili
Mise en espace de Robin Laporte
Création costumes et prothèses de Carole Allemand
Réalisation costumes – Elisabeth Cerqueiras, Lucie Charrier, Maxence Moulin, Fabienne Touzi dit Terzi, Carole Allemand
Réalisation prothèses – Laurent Huet, Maxence Moulin, Carole Allemand
Perruques et maquillages – Hugo Bardin
Régie de scène – Élodie Galmiche et Klore
