Pour beaucoup d’entre nous, Nadia Vonderheyden était la comédienne fétiche de Jean-François Sivadier. Avec Nicolas Bouchaud, elle formait un binôme puissant. Son jeu, toujours incandescent, impressionnait. Le monde du théâtre perd aujourd’hui une grande artisane. « Elle a œuvré dans l’ombre. Mais ceux qui l’ont rencontré savent de quelle planète rare elle faisait partie » (Johanna Nizard).
Une belle personnalité

Sa voix inimitable, grave et légèrement voilée était une de ses particularités. Le comédien Arnaud Stephan, dans son hommage sur FaceBook, la définit si bien : « Celle d’un ange-clown, écorchée vive, à la poésie chevillée au corps, que tu as toujours été de la scène à la vie… » Elle a été un modèle, de ceux qui – comme le dit si bien Xavier Deranlot (Dans le jardin de l’ogre) – « vous donnent envie de faire ce métier par leur intégrité, leur mélange de puissance et de fragilité. Nadia a été pour moi quand j’étais jeune élève au TNB, une ogresse d’une extrême sensibilité et qui m’a donné envie d’être exigeant avec moi-même. »
Au service de son art
Si Nadia Vonderheyden est née en Algérie, c’est en France qu’elle grandit. Le théâtre était pour elle l’endroit idéal pour assouvir sa passion des mots, de la pensée, de l’art. Elle suit sa formation de comédienne auprès de Didier Georges Gabily, dès 1985, puis en participant au groupe Tchan’G. De 1989 à 1991, elle joue sous la direction de Stéphane Braunschweig dans la trilogie Les Hommes de neige. Puis vient la période du Théâtre du Radeau, dirigé par François Tanguy, Le Chant du bouc (1991), Choral (1994) et Bataille du Tagliamento (1996). Et ce sera enfin la grande aventure auprès de Jean-François Sivadier, La Folle Journée ou le Mariage de Figaro, La Vie de Galilée, Italienne scène et orchestre, Le Roi Lear, La Dame de chez Maxim’s, Noli me Tangere…
Passer du jeu à la mise en scène était pour elle une évidence. Elle avait notamment mis en scène en 2011, La Fausse suivante de Marivaux, qui après une belle tournée est jouée en 2014 au théâtre Nanterre Amandier. La pédagogie était aussi pour elle une évidence, elle a dirigé des ateliers et des résidences à l’université de Rennes II et à l’ERAC de Cannes.
Une présence forte

Comme George Perec, je vais égrainer les « Je me souviens », tous attachés aux spectacles de Jean-François Sivadier. Le premier, c’était en 2006, au Festival Paris Quartier d’Été, à l’Opéra-Comique, où le metteur en scène reprenait son spectacle cultissime, Italienne avec Orchestre (la première version de cette Traviata vu des coulisses). Je découvrais sa voix, sa présence. Elle était impayable en assistante toujours à cran et revendicatrice. Puis en 2007, ce fut la magie de la cour d’honneur d’Avignon et du Roi Lear, incarnant de sa voix grave et de son autorité le duc de Kent. Parce qu’elle rêvait, enfant, d’être trapéziste, Sivadier avait imaginé que son personnage volait dans les airs. En 2009, elle fut une extraordinaire Madame Petypon dans La Dame de chez Maxim’s à l’Odéon. On l’a retrouvée dans cette même salle, dans Noli me Tangere. Elle incarnait magnifiquement un comédien borné et un ange. Celui-ci vient de s’envoler pour toujours. Adieu Madame, et merci pour tous ces bonheurs.