Il s’était déjà attaqué à La Belle au bois dormant avec cran en 2022. À l’occasion des dix ans de sa compagnie Illicite, installée à Bayonne, le chorégraphe Fábio Lopez a choisi de franchir une marche supplémentaire en jetant son dévolu sur ce chef-d’œuvre intemporel qu’est le Lac des cygnes. Bien lui en a pris ! On le sait soucieux de faire vivre le répertoire classique, ne rechignant pas à composer avec les moyens restreints qui sont les siens. Se lancer dans la revisite de ce ballet avec seulement douze interprètes, l’entreprise était certes périlleuse, mais crédible.
Une version épurée mais fidèle

Conscient des contraintes, le chorégraphe se focalise sur l’amour impossible de deux êtres, immuable ressort dramatique. Au cœur de l’intrigue, on retrouve l’incontournable trio, le mélancolique prince Siegfried, la princesse Odette qu’un sortilège a transformée en cygne et Rothbart, le magicien. Mais il redistribue les cartes et offre un final audacieux qu’on ne spoilera pas. C’est habile, car Fábio Lopez parle ainsi à la fois à un public fin connaisseur du ballet et à tous les néophytes que l’affiche interpelle. Comme l’impression de voir une version épurée, mais fidèle de ce monument du répertoire.
Face à ce parti-pris, deux choix s’offrent à nous : se laisser emprisonner dans le jeu des différences ou jeter un regard neuf sur cette proposition, certes à l’os, mais riche de trouvailles. Ainsi la musique alterne des emprunts à la partition de Tchaïkovski et des inédits délectables comme le passage chanté tiré d’Ondine, opéra inachevé du compositeur, qui accompagne le cultissime Pas de deux de l’acte II.
Un excellent casting masculin

Là où Fábio Lopez fait mouche, c’est dans sa connaissance – et son attachement – de ce répertoire académique. Il multiple les références, jalonne son ballet de clins d’œil respectueux de cet héritage (les éléments de pantomime sont bien présents) et ajoute des touches personnelles plus néoclassiques. Les danseuses jonglent entre demi-pointes et pointes, les tutus sont évacués, mais de petites ailes flottent dans le dos des cygnes interprétés à part égale par des femmes et des hommes. Cette option déjà usitée par d’autres, mais qui ici se révèle un choix artistique assumé au-delà de la contrainte d’un effectif restreint.
La force de ce Lac des cygnes repose aussi sur un excellent casting masculin. David Claisse (Siegfried) et Gaël Alamargot (Rothbart, hélas un tantinet sous-employé) endossent les deux rôles principaux avec beaucoup de conviction et de qualités tant expressives que techniques. Le reste de la troupe montre encore quelques fragilités, mais le temps et une belle tournée (ce qu’on souhaite à cette production) devraient patiner les difficultés perceptibles lors de cette première.
À cœur vaillant, rien d’impossible. De cœur, ce Lac des cygnes, et son chorégraphe, ne manquent pas. Les amateurs de danse sont en attente de ce type de ballets. Il est grand temps que les pouvoirs publics soutiennent davantage ceux qui s’emploient à faire vivre et perdurer ce répertoire avec passion.
Claudine Colozzi
Le Lac des cygnes de Fábio Lopez (Compagnie Illicite)
Vu le 15 février 2025 à la Salle Lauga de Bayonne
Durée : 1h10
Tournée
6 novembre 2025 au théâtre Olympia d’Arcachon.
Chorégraphie & dramaturgie de Fábio Lopez
Avec Alessandra De Maria, David Claisse, Gaël Alamargot, Salomé Goualle, Florian Carer, Javier Casado Suarez, Jeanne Berdalle, Manon Pedeboscq, Nina Pham, Thomas Donat, Viviana Costa, Joana Rodrigues.
Conseillère artistique – Françoise Dubuc
Conseillère Dramaturge – Claire Poirson
Répétitrice invitée – Barbora Hruskova
Scénographie d’Enki Bilal & Hugo Germain
Conception Lumière de Christian Grossard
Costumes d’Olivier Bériot & Fábio Lopez