La ménagerie de verre - Tennessee Williams - Philippe Person © Juliette Ramirez
© Juliette Ramirez

La Ménagerie de verre : Une version sensible

Au Lucernaire, Philippe Person fait résonner ce texte magnifique et hautement biographique de Tennessee Williams.

Comme l’auteur le souligne par la voix de son narrateur, le jeune Tom Wingfield, l’histoire de La Ménagerie de verre est la sienne, mais aussi celle de l’Amérique. L’action se passe dans les années 1930. La crise de 1929 est passée par là. En Europe, la guerre d’Espagne présage des années sombres à venir. Mais, les Américains, inconscients, préfèrent fuir la réalité « en allant au cinéma ». Chez les Wingfield, la guerre est déclarée entre la mère et le fils, entre les réminiscences du passé et le rêve d’indépendance.

La ménagerie de verre - Tennessee Williams - Philippe Person © Juliette Ramirez
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Au centre de la querelle, il y a Laura, une victime toute désignée. La jeune fille, considérée comme timide à cause de sa claudication, est incapable de trouver sa place dans la société. Laura aime se réfugier dans son monde à elle, qui se résume à sa collection de figurines d’animaux en verre et la musique.

Sa mère, qui refuse d’admettre que sa fille n’est pas comme les autres, rêve de la marier. Amanda demande alors à son fils de trouver dans ses relations quelqu’un susceptible de sortir avec sa sœur. Ce sera Jim O’Connor, ancienne gloire déchue du collège, malheureusement déjà fiancé. Tom trouvera le courage de prendre en main sa vie, portant le regret d’avoir abandonné Laura.

Le théâtre de Tennessee Williams est composé de personnages forts, souvent dysfonctionnels. Ces magnifiques partitions, qui ne sont pas simples à interpréter, sont ici portées magistralement. Dans les rôles masculins, on découvre deux comédiens sortant de l’École du Lucernaire. Avec ses airs de Clark Gable, son énergie de Jean Marais jeune, Blaise Jouhannaud est impressionnant dans le personnage de Tom. Antoine Maabed a la difficile tâche d’incarner Jim, celui qui n’arrive qu’à la fin et qui comprend que Laura est, malgré sa différence, une belle personne. Il est bouleversant de sincérité.

La ménagerie de verre - Tennessee Williams - Philippe Person © Juliette Ramirez
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La divine Alice Serfati, découverte dans Chaplin 1933 et Un soir chez Renoir, incarne Laura avec une grande intelligence du cœur et de l’esprit. Dans le rôle d’Amanda, cette femme qui n’a pas épousé la bonne personne et qui se démène comme elle peut, Florence Le Corre est admirable. Évitant toute caricature, l’actrice fétiche de Philippe Person fait ressortir toute la bipolarité de son personnage.

Même si sa mise en scène est très expressionniste, Philippe Person réussit à sortir du carcan, souvent lié à l’imagerie de l’Amérique des années 1950, dans laquelle les grandes adaptations cinématographiques de ses œuvres – La chatte sur un toit brûlantUn tramway nommé désirBaby Doll… – ont pu enfermer Tennessee Williams. Il se sert du petit écrin qu’est la scène du Paradis, transformé en minuscule appartement, pour créer l’intimité d’une famille. Les lumières de Tom Bouchardon créent une atmosphère de clair-obscur faisant ressentir les sensations d’étouffement causées par les comportements de la mère et du fils et l’enfermement de Laura. Bravo.


La ménagerie de verre de Tennessee Williams
Lucernaire
53 rue Notre-Dame-des-Champs
75006 Paris.
Jusqu’au 1er juin 2025
durée 1h25.

Mise en scène Philippe Person
Traduction Isabelle Famchon.
Avec Florence le Corre, Alice Serfati, Blaise Jouhannaud et Antoine MaabedLumières et vidéo Tom Bouchardon.
Décor Vincent Blot.

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