FRKS d’Igor Cardellini et Tomas Gonzalez
© Matthieu Croizier

FRKS, c’est Queer ! 

Assumer sa différence, la revendiquer et donc affirmer sa monstruosité face à une norme forcément hétérosexuelle, coincée et rigide, telle est l’essence du dernier spectacle du duo de metteurs en scène Igor Cardellini et Tomas Gonzalez.

Attention les yeux et les oreilles. Les deux artistes lausannois revisitent à leur manière, décalée et déjantée, le principe du Freak Show. Partant des premières insultes — pédé, tarlouze, etc., Igor Cardellini et Tomas Gonzalez imaginent un cabaret avec apparitions fantomatiques, envolées lyriques, et numéros où le laid et le beau se conjuguent, s’hybrident et s’entrechoquent.

Dans un écrin obscur fait de voiles noires que le souffle d’un ventilateur gonfle et sculpte comme une grotte mouvante, défile un bestiaire singulier et monstrueux. Il évoque les cirques d’antan où femmes à barbe et créatures en tout genre faisaient sensation, ou encore les salons aristocratiques où les castrats, tel le troublant Farinelli, volaient la vedette à n’importe quel héros viril.

FRKS d’Igor Cardellini et Tomas Gonzalez ©  Matthieu Croizier
© Matthieu Croizier

À la manière d’un kaléidoscope, renvoyant les images stéréotypées d’une population enfermée dans ses carcans patriarcaux et sexistes, les deux metteurs en scène imaginent une fresque burlesque et baroque, un manifeste queer pour dépasser l’acte de résistance et tout simplement exister.

Des voix opératiques à fendre l’âme aux beats technos qui vrillent les tympans, d’un avaleur de sabre à une danseuse couverte de peaux de femme, Cardellini et Gonzalez osent les grands écarts. Ils passent d’un tableau empreint de délicatesse à un autre qui rappelle les visions surréalistes et divinement horrifiques de Francis Bacon.

Rien n’est épargné au public — dans sa grande majorité déjà acquise à la cause. Mais malicieusement, ce sont les hétéros, glissés dans la salle, qui sont invités à mettre la main à la poche pour la bonne cause.

Inversant les rôles et rêvant d’un monde où les LGBTQIA+ seraient la norme, les neuf artistes font feu de tout bois. Iels se donnent à mille pour cent pour qu’enfin le monde change, pour que la vie se fasse hors du placard, en pleine lumière. Fier·e·s, magnifiquement drapé·e·s de leur monstruosité, de leurs différences, iels renvoient aux autres — aux soi-disant “normaux” — toute la violence subie. Finie la peur, finie la honte : qu’elle change de camp !

FRKS est clairement imparfait — il manque de dramaturgie pour soutenir son propos et se perd parfois dans les extravagances inhérentes au genre. Mais quel coup de poing salutaire dans le genre et dans la bien-pensance ! Chapeau aux artistes pour ce caillou gothique et queer dans la chaussure des conformistes et des réacs de tout poil.


FRKS d’Igor Cardellini et Tomas Gonzalez
Création le 26 mars 2025 au Théâtre de Vidy-Lausanne

Tournée
Du 10 au 13 avril 025 à la Maison Saint-Gervais, Genève
Les 10 et 11 mai 2024 au
Centre de culture ABC, La Chaux-de-Fonds
Les 22 et 23 mai 2025 au
Théâtre Benno Besson, Yverdon-les-Bains

Collaboration dramaturgique – Rébecca Balestra, Adina Secrétan, Simon(e) van Saarloos
avec Steve Katona, Herwan Legaillard, Sara Leghissa, Agnese Menguzzato, Alix Pétris, Sophia Rodriguez, Shade Theret, TTristana, Eyuna vom Haus Vax, Ranger von der Gletscherhöhle
Co-écriture – Simon(e) van Saarloos
Mise en scène de Igor Cardellini et Tomas Gonzalez assistés de Ludmilla Reuse
Régie Générale – Vincent Scalbert
Scénographie d’Igor Cardellini et Romain Guillet
Couture scénographie – Amandine Gianini
Eléments scéno et accessoires – Pauls Rietums
Chorégraphie de Shade Theret, Sophia Rodriguez et Igor Cardellini
Création lumière d’Edouard Hügli
Création son d’Agnese Menguzzato & TTristana

Costumes de Shalva Nikvashvili, Atelier Planeta et Chaïm Vischel

Bande-Annonce de FRKS d’Igor Cardellini et Tomas Gonzalez © Théâtre de Vidy-Lausanne

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