Frédérique Payn © Vincent de Chavannes
Frédérique Payn © Vincent de Chavannes

Frédérique Payn : « Notre rôle est de créer des passerelles entre les artistes et le territoire »

À l’occasion de la première édition du festival Futurama, dédié à la jeunesse, Frédérique Payn, directrice de Malraux – Scène nationale Chambéry Savoie, évoque son projet pour ce lieu emblématique au pied des Alpes. Entretien.

Frédérique Payn : Mon parcours a toujours oscillé entre création artistique et ancrage territorial. À Lorient, en tant que directrice adjointe chargée des productions et de la programmation au Centre dramatique national, j’ai pu expérimenter cette dynamique. Pour moi, combiner soutien à la création et implantation locale est source de grande joie. Et même si je ne suis pas artiste, ce qui m’exclut de fait de la direction d’un CDN, le format d’une scène nationale m’a semblé idéal.

Malraux scène nationale extérieur © Malraux
Malraux scène nationale extérieur © Malraux

J’ai également une attache personnelle à ce territoire : je suis née à Grenoble, j’ai de la famille en Savoie. Ce lien affectif m’a donné envie d’y inscrire un projet culturel à long terme. Chambéry est un territoire rural et montagnard, où la scène nationale Malraux occupe une place centrale. C’est une vraie responsabilité, et un terrain de jeu passionnant.

Frédérique Payn : Malraux est historiquement une maison de diffusion. J’ai voulu y ancrer une présence artistique forte. Les neuf artistes, que j’ai fait le choix d’associer à mon projet, permettent d’ouvrir le lieu à des esthétiques variées. Il y a trois groupes : un premier autour de l’écoute et des musiques vivantes (Noémi Boutin, Timothée Quost, Léo Margue, et le duo Anne-Julie Rollet & Anne-Laure Pigache des Harmoniques du Néon), un second orienté arts du mouvement et de l’image (Nathalie Béasse, La Cordonnerie), et un troisième axé sur les récits de territoire (Simon Gauchet, Antoine Cegarra et Véronique Kanor). Cette diversité enrichit la programmation et favorise le dialogue avec les habitants.

Frédérique Payn : L’idée m’est venue à Lorient où j’avais travaillé sur Eldorado, un festival permettant aux adolescents de monter sur scène. Mais c’est surtout la période du confinement qui a déclenché ce besoin : on a vu à quel point les jeunes étaient mis de côté. Aujourd’hui, ils sont précarisés, peu entendus, souvent relégués en marge du débat public. Pourtant, leurs idées, leur regard sur le monde, sont essentiels.

Futurama est dédié aux 12-25 ans. Il s’agit de leur donner la parole, de les faire entrer dans les lieux de culture et de faire évoluer la manière dont nous, professionnels, les écoutons. Cette première édition est encore très cadrée, mais dès l’an prochain, ils participeront à la programmation. On veut apprendre à laisser la place.

14 juillet, 7 fois la Révolution de Rachel Dufour © Yann Cabello
14 juillet, 7 fois la Révolution de Rachel Dufour © Yann Cabello

Frédérique Payn : Nous avons construit une “ossature” avec deux spectacles : Une grande première, création chorégraphique dirigée par Lyli Gauthier avec une vingtaine de jeunes participants, et 14 juillet, 7 fois la Révolution de Rachel Dufour, une pièce qui interroge la démocratie d’aujourd’hui et se transforme en agora festive.

Autour de cela, nous avons invité de nombreux partenaires : l’université, des centres sociaux, des collectifs d’étudiants, des jeunes engagés. Il y aura des performances, des projections, des ateliers (hip-hop, création sonore, ciné-cyclo), un Village Action Cinéma, une fête, des scènes ouvertes, un collectif de rap… Le théâtre sera habité, vivant, investi par les jeunes.

Frédérique Payn : La scène nationale a une responsabilité sur l’ensemble du territoire savoyard. Nous menons une politique d’itinérance renforcée – on appelle ça Savoie nomade. Cela nous pousse à sortir des murs, à jouer dans les vallées, à aller au contact. On développe aussi un tiers-lieu dans nos murs, ouvert de 9h à 18h. Il est de plus en plus fréquenté par des lycéens, des apprentis, parfois une cinquantaine de jeunes viennent y passer leur pause déjeuner. On apprend à cohabiter, à faire évoluer les usages. C’est un théâtre où l’on vit et pas seulement un lieu de représentation.

La Base, tiers-lieu de la Scène nationale © Malraux
La Base, tiers-lieu de la Scène nationale © Malraux

Frédérique Payn : L’équipe est engagée dans une démarche RSE – Responsabilité Sociétale des Entreprises – depuis plusieurs années. Cela englobe la transition écologique, l’égalité, l’inclusion, le bien-être au travail, et plus largement, une éthique de fonctionnement. On réfléchit à tout : mobilité, partenariats, programmation…

Sur le plan économique aussi, on fait des choix : on réduit le nombre de spectacles pour dégager des marges et permettre la gratuité sur certains projets. C’est une manière de toucher de nouveaux publics, de créer plus de présence artistique. L’enjeu n’est pas de remplir les salles à tout prix, mais d’aller là où les publics sont, même si cela demande du temps et des moyens.

Frédérique Payn : Nous travaillons beaucoup en coopération. Par exemple, nous nous organisons le Festival des cinémas d’Afrique en partenariat avec Chambéry Solidarité Internationale. C’est un événement très vivant, avec une programmation remarquable, dans une ville très ouverte – il y a ici deux fois plus d’étrangers que la moyenne nationale. Nous avons aussi Tout Schuss, un temps fort familial autour de Noël, et un festival consacré aux arts numériques (DAME), que nous allons peu à peu rapprocher de Futurama pour mutualiser les énergies.

Frédérique Payn : Un lieu en mouvement, en écoute permanente avec le territoire. On y vient pour découvrir, partager, créer du lien. On y croise des artistes, des jeunes, des habitants, des partenaires. C’est un espace vivant, accueillant, qui cherche toujours à faire un pas de plus vers l’autre.


Futurama
Malraux Scène nationale Chambéry Savoie
14 au 26 avril 2025

Laisser un commentaire

Your email address will not be published.

Contact Form Powered By : XYZScripts.com