La jeune troupe du Théâtre Olympia © Florian Colas
La jeune troupe du Théâtre Olympia © Florian Colas

Au WET°9 de Tours, grands écarts et propositions culottées

Au Théâtre Olympia, dirigé par Bérangère Vantusso, la neuvième édition du festival dédié à l'émergence et concocté par la jeune troupe fait la part belle à l'hybridation des genres.

Chaque année, le CDN de Tours donne les clefs de quelques lieux phares à une jeune équipe de comédiens en formation. L’occasion de les familiariser avec les missions de programmation et les pousser à définir les contours de la création émergente à travers la sélection de huit spectacles. Si ladite sélection reste très blanche, elle a au moins le mérite de présenter une majorité de projets portés par des femmes.

Je n'ai pas le don de parler D’après les textes de Robert Walser, Blanche-Neige et Petits Textes Poétiques, mise en scène d'Agathe Paysant  © Jules Lanzaro
Je n’ai pas le don de parler d’après les textes de Robert Walser, Blanche-Neige et Petits Textes Poétiques, mise en scène d’Agathe Paysant © Jules Lanzaro

Dans cette édition, rien ne semble réunir les propositions retenues. Là où Je n’ai pas le don de parler fait le pari d’un phrasé poétique pour offrir une suite à Blanche Neige, la langue se fait plus balbutiante dans Oh mère !, performance autour d’un savant mélange d’onomatopées et d’expressions approximatives. Plateau chaotique dans le premier où les projecteurs dégringolent au milieu des tirades, scène immaculée et dans le second où le sang viendra tout souiller. 

Chimère est une conférence zoologique où chanter et jeter de l’eau font office de transition. Si la dynamique échappe à toute logique dans n’importe quelle intervention académique, elle prend tout son sens dans cette recherche balbutiante où les intentions initiales elles-mêmes font l’objet d’un questionnement. Faut-il vraiment capturer, classer et nommer un animal qui cristallise tout un ensemble de légendes dans les sociétés pré-coloniales au Mexique ?

Requin Velours de Gaëlle Axelbrun
Requin Velours de Gaëlle Axelbrun © Christophe Raynaud de Lage

À quinze minutes à pied du Théâtre Olympia, c’est une farce cruelle qui prend place. Deux salles, deux ambiances.  C’est un réflexe, ce n’est rien imagine un univers où les injonctions faites aux femmes entravent les corps dans leurs déplacements, dans leur élocution et jusque dans leurs propres imaginaires. Dans la pièce de Louise Herrero et Estelle Rotier, la répétition de mêmes expressions tourne à l’aliénation, si bien que les voyelles se déplacent et parasitent les dialogues.

C’est aussi par lassitude que le langage trouve ses limites dans Requin Velours. Le mot « viol » y perd toute sa violence à mesure que sa victime est forcée de le mobiliser constamment. Mais par effet de contraste, on voit le ring de la scénographie comme un grand espace de résilience. La plume rageuse de Gaëlle Axelbrun porte sur les violences sexuelles un éclairage inédit dans lequel on perçoit tout aussi bien la maladresse d’une société confrontée au tabou qu’elle perpétue que la sororité de ces héroïnes qui n’ont pas besoin de mots pour se comprendre. 

35040 d'Alessandro Businaro © Élise Vettori
35040 d’Alessandro Businaro © Élise Vettori

Armés d’une feuille de papier, d’un rôle pioché au hasard et d’un crayon, le public de 35040 fait l’expérience d’un théâtre participatif où ce qui meuble une maison fictive tient à l’imagination des spectateurs. Après une courte session d’écoute, chacun est invité à suivre les déambulations d’un personnage dans la maison de son enfance et à accompagner le parcours de bruitages. C’est l’occasion de visiter le très élégant Hôtel Gouin qui trône fièrement en plein centre de Tours.

Ce sont les personnages qu’ébranle Lucky Flash en créant une confusion croissante entre les protagonistes et leurs interprètes. L’occasion de porter une fiction bien ficelée autour d’une tentative de théâtre documentaire. Et un décor-personnage anime Multigrouilles, spectacle jeune public où la nature mute sous nos yeux dans un théâtre d’objet inventif.

La neuvième édition de ce tremplin de l’émergence aura donc fait la part belle à des gestes artistiques singuliers. Dans ce week-end end dense où malgré l’ambiance bon enfant, la fatigue se lit sur les visages, les spectacles sont la promesse d’une immersion dans des univers aux antipodes où le rapport au temps, au langage et au quatrième mur cristallisent chaque fois les singularités des projets. Ce qui semble avoir retenu l’attention de la jeune troupe, c’est la recherche d’un geste artistique inédit, sinon à rebours de nombreuses créations contemporaines. 


Festival WET
Théâtre Olympia CDN de Tours
28 au 30 mars 2025

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