La danse contemporaine a souvent exploré les manières de faire jaillir le rire. Mais c’est comme si l’on demeurait encore tout étonné de se laisser gagner par l’hilarité en regardant une pièce chorégraphique. « Ayelen Parolin en fait-elle trop ? », est-on tenté de se demander en découvrant Zonder. Ce serait bouder notre plaisir de la voir ainsi pousser ses interprètes – et le public par la même occasion – dans leurs retranchements.
Comme dans Simple, un autre trio qu’on a pu découvrir récemment, la chorégraphe joue la carte de la farce chorégraphique. Mais il ne suffit pas de multiplier les références, de pasticher les pas et figures de différents styles (du grand jeté à la passe de salsa) ou de s’affranchir des codes de la présence scénique, pour faire surgir une forme aussi aboutie dans l’inabouti. Le chaos qui s’installe au fur et à mesure de la pièce est savamment organisé. Il s’incarne dans la maladresse croissante des trois interprètes qui multiplient les grimaces, airs ahuris et autres singeries.
En apparence en roue libre, Piet Defrancq, Naomi Gibson et Daan Jaartsveld maitrisent pourtant parfaitement la situation, plus écrite qu’il n’y paraît. C’est tout le leurre de cette proposition chorégraphique qui fait mine d’être totalement foutraque alors qu’elle renouvelle la subversion. Jusqu’où iront ces trois trublions ? Jusqu’au bout, comprend-on très vite.
Ayelen Parolin joue avec nos nerfs, mais difficile de ne pas adhérer à ce qui se déroule sous nos yeux tant l’incongruité se révèle fascinante. Rien n’échappe à ce jeu de massacre : ni le cultissime Beau Danube Bleu, ni le décor n’en sortent indemnes ! Nous non plus d’ailleurs !
Claudine Colozzi
Zonder d’Ayelen Parolin
Théâtre Silvia Monfort
106 rue Brancion
75015 Paris
Du 21 au 23 mars 2025
Durée 55 mn
23e Biennale de danse du Val-de-Marne, du 12 mars au 11 avril 2025
Chorégraphie : Ayelen Parolin
Interprètes : Piet Defrancq, Naomi Gibson, Daan Jaartsveld
Collaboration artistique et création sonore : Julie Bougard
Direction technique, création et régie lumière : Laurence Halloy
Scénographie et costumes : Marie Szersnovicz
Régie plateau et sonore : Gaspar Schelck
Dramaturgie : Olivier Hespel
Préparation de travail : Daniel Barkan, Alessandro Bernardeschi, Michael Schmid