Thierry Raynaud dans Kolik D'Hubert Colas © Sylvain Couzinet Jacques
Thierry Raynaud dans Kolik D'Hubert Colas © Sylvain Couzinet Jacques

Thierry Raynaud au cœur vibrant des mots

Reprenant au Théâtre Garonne du 12 au 15 mars L’Été des charognes, premier texte incandescent de Simon Johannin, mis en scène avec puissance par Hubert Colas, le fiévreux comédien remonte le fil de son histoire et évoque son parcours avec la même fougue que sur scène.

Votre premier souvenir d’art vivant ?
Sans hésiter : le vinyle de Pierre et le Loup de Prokofiev, raconté par Gérard Philipe. Et c’est en le réécoutant avec mon fils que j’ai réalisé à quel point cela avait compté pour moi. 

Qu’est-ce qui vous a poussé à choisir cette voie ?
Le hasard, absolument. J’aimais chanter et j’ai rapidement intégré une troupe de quartier qui proposait des spectacles mêlant chant et théâtre. Un jour, un acteur s’est désisté et je l’ai remplacé. Déclic ! 

L'été des Charognes de Simon Johannin, Mise en scène d'Hubert Colas © Bellamy
L’été des Charognes de Simon Johannin, Mise en scène d’Hubert Colas © Bellamy

Pourquoi ce métier ?
Le hasard, encore une fois, et les rencontres. Je suis arrivé en lycée option théâtre plus par commodité que par passion. Mais j’y ai croisé des personnes qui ont radicalement changé le cours de ma vie. Comme dans toute adolescence, bien sûr, mais là, ce qui nous unissait, c’était le désir de créer et de faire ensemble. On ne parlait que de ça, on ne voulait faire que ça. C’est avec eux, et grâce à eux, que ma passion est née. 

Racontez-nous le tout premier spectacle auquel vous avez participé. Une anecdote marquante ?
Mon premier vrai rôle professionnel, c’était Visages en 1993, texte et mise en scène d’Hubert Colas. Depuis, nous avons collaboré sur une quinzaine de créations. C’était “LA” rencontre ! Travailler pour la première fois avec des acteurs professionnels était très impressionnant. Mais surtout, j’ai découvert ce qui allait guider tout mon travail futur : abolir dans la langue tout ce qui fige l’oralité, la rend morte. Être uniquement dans la force du mot, le faire résonner en nous pour qu’il résonne en chacun, individuellement et de manière non conventionnelle. Je me souviens d’une sorte de transe pendant les répétitions : les bras et les mains tendus, la bave et la morve coulant sur la feuille… Je découvrais un rapport totalement nouveau à la langue. 

Votre plus grand coup de cœur scénique ?
C’est mon tube ! Kolik de Rainald Goetz, mis en scène par Hubert. C’est l’aventure la plus pure que j’ai vécue avec un spectacle. Un monologue, donc peut-être plus simple pour atteindre cet état. Mais il rassemble tout ce que j’aime dans cet art : une langue incroyable, une sorte de manifeste sur le genre humain, une équipe formidable – Stéphane Salmon à la lumière, Cyril Meroni à la vidéo, Fred Viénot au son – et un espace entièrement au service de la langue. Chaque soir, tout s’inventait en fonction des spectateurs présents. J’en parle au présent alors que cela fait trois ans que je ne le joue plus ! Mais c’est, jusqu’ici, ma plus belle expérience. 

 <em>Please, Continue (Hamlet) </em>de Villeurbanne, Conception Yan Duyvendak et Roger Bernat © DR
Please, Continue (Hamlet) de Villeurbanne, Conception Yan Duyvendak et Roger Bernat © DR

Quelles sont les rencontres qui ont marqué votre parcours ?
D’abord et surtout, Hubert Colas. Quinze créations ensemble. Et Montévidéo.  Un lieu – phare qui, initié par Hubert a permis l’utopie d’un grand collectif voué à la l’exploration de nouvelles formes artistiques et où des gens se sont rencontrés comme nulle part ailleurs. Il n’existe plus aujourd’hui mais qui il a abrité 24 années de ma vie artistique et personnelle. C’est immense. 

Puis, toutes (ou presque) les autrices et auteurs, vivants ou morts, que j’ai eu la chance de connaître et de transmettre. Mention spéciale à Sonia Chiambretto et sa langue si poétiquement orale qu’elle en devient monstrueuse à attraper, Annie Zadek, sublime poétesse, Simon Johannin et son écriture qui fait comme si elle n’avait peur de rien, et bien sûr Shakespeare, car j’ai quand même joué Hamlet à Chaillot ! 

Philippe Quesne, qui a marqué mon parcours bien avant de me proposer un rôle dans Le Jardin des délices. J’admire l’univers qu’il a inventé et, en tant que directeur de Nanterre-Amandiers, il a tout fait exploser ! 

Je pense aussi aux dix années Avignonnaises sous Archambault-Baudriller, où leur programmation impeccable m’a élevé en tant que spectateur – et donc en tant qu’acteur. 

Et puis, Yan Duyvendak, qui m’a confié le rôle d’avocat dans Please Continue Hamlet, un vrai-faux procès où de véritables juges, avocats, psychologues et légistes intervenaient sur scène en exerçant leur métier. Seuls trois rôles étaient joués : Hamlet, l’accusé ; Ophélie, la plaignante ; et Gertrude, témoin. Un jury était tiré au sort dans le public. Même dossier chaque soir, même crime (le meurtre de Polonius), mais un verdict toujours différent ! C’était passionnant et éminemment politique. 
Enfin – pardon pour la longueur ! – toutes les actrices, tous les acteurs, techniciens, metteurs en scène, directeurs, attaché(e)s de presse et autres qui m’ont soutenu, dans tous les sens du terme, ont marqué mon parcours. 

Où puisez-vous votre énergie créative ?
Dans l’humour. 

En quoi ce que vous faites est essentiel à votre équilibre ?
Heu… en réalité, c’est plutôt l’autre versant qui est essentiel : Ma compagne, Nos deux fils, mon chez-moi. C’est quand même un métier de dingue ! 

L'Été des charognes de Simon Johannin, Mise en scène D'hubert Colas © Bellamy
L’Été des charognes de Simon Johannin, Mise en scène D’hubert Colas © Bellamy

Que représente la scène pour vous ?
Une expérience, la tentative de vivre ensemble, enfin, le présent. 

Où ressentez-vous, physiquement, votre désir de jouer ?
Heu… je ne sais pas, dans le système nerveux ? 

Avec quels artistes aimeriez-vous travailler ?
En ce moment, avec n’importe quel(le) artiste intéressant(e) ! 

Si tout était possible, à quoi rêveriez-vous de participer ?
À une révolution. 

Si votre parcours était une œuvre d’art, laquelle serait-elle ?
Une intro de basse. 


L’été des Charognes de Simon Johannin
spectacle créé en mars 2023 au Théâtre des Calanques
Durée 1h10

tournée
12 au 15 mars 2025 au Théâtre Garonne

13 mai 2025 au ZEF – Scène nationale de Marseille

Mise en scène et scénographie d’Hubert Colas assisté de Salomé Michel
avec Thierry Raynaud
Régie générale et son – Frédéric Viénot
Régie lumière – Nils Doucet 
Images – Sébastien Pont 
Création vidéo – Pierre Nouvel
Régie vidéo – Lucas Tafferant 

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