Simon Le Borgne © César Vayssié
Simon Le Borgne © César Vayssié

Simon Le Borgne : Le geste et le sens 

Soutenu par la plateforme Danse Dense et par le Gymnase CDCN Roubaix Hauts-de-France dans sa démarche d’émancipation, le danseur et chorégraphe poursuit, depuis son départ l’an passé du ballet de l’Opéra de Paris, sa quête de réappropriation du corps, en lien direct avec l’espace qui l’entoure. 

Dès l’enfance, Simon Le Borgne est happé par la danse. « C’est une histoire assez banale, » dit-il en riant. « Ma mère faisait beaucoup de danse. Elle n’en a pas fait son métier, mais elle était passionnée. Ma sœur en faisait aussi, alors naturellement, j’ai suivi. » Il s’inscrit au Conservatoire de La Roche-sur-Yon, sa ville natale, et complète sa formation par des cours particuliers pour se perfectionner. Mais ce sont les vidéos des grands ballets classiques qui l’obsèdent. « J’étais fasciné par les grands solos de La Bayadère, je pouvais les regarder en boucle, quitte à en user la bande magnétique. »

Ad Libidum de Simon Le Borgne © David Le Borgne
Ad Libidum de Simon Le Borgne © David Le Borgne

Le classique est son premier langage corporel, une grammaire rigoureuse qu’il enrichit ensuite avec le hip-hop et la danse contemporaine. L’influence de son frère, lui aussi plongé dans l’univers chorégraphique, l’ouvre à des esthétiques nouvelles. « Mon frère me parlait de ses découvertes, et ça m’a donné envie d’explorer autre chose. J’avais besoin de sortir du cadre, de tenter d’autres choses, de voir d’autres horizons. » Il découvre alors Anne Teresa De KeersmaekerPina BauschWilliam Forsythe et Sidi Larbi Cherkaoui, qui deviennent ses principales sources d’inspiration.

À neuf ans, il intègre l’École de Danse de l’Opéra de Paris et, cinq ans plus tard, en 2014, il rejoint le Ballet de l’Opéra en tant que surnuméraire, avant de l’intégrer finalement deux ans plus tard. Carrière toute tracée, il est promu Sujet en 2020 et danse notamment dans des œuvres de Merce Cunningham, Jiří Kylián, Ohad Naharin,  Hofesh Shechter ou Alexander Ekman.

Mais ce qui façonne véritablement son parcours, ce sont les rencontres artistiques marquantes qui vont l’aider à redéfinir sa danse. Maguy Marin est la première à lui donner une place sur scène alors qu’il n’est encore que surnuméraire. « Danser dans Les Applaudissements ne se mangent pas a été un choc. C’était une gestuelle brute, intense, très éloignée de ce que je connaissais. » Crystal Pite lui ouvre d’autres horizons. « Ses créations sont arrivées à un moment où j’avais besoin de redéfinir ma physicalité. Elles m’ont permis de me réapproprier mon corps autrement. » Enfin, Iván Pérez le propulse vers l’improvisation avec un solo qu’il doit construire en direct. « C’était grisant d’être sur scène sans savoir exactement où j’allais. Comme si tout était à inventer en temps réel. »

Ad Libidum de Simon Le Borgne © David Le Borgne
Ad Libidum de Simon Le Borgne © David Le Borgne

L’appel de la création devient alors irrésistible. « Avec mon frère, on a toujours aimé expérimenter. À seize ans, on avait monté un duo pour un petit festival à La Roche-sur-Yon, puis un projet dans la rue. On aimait déjà créer des formes alternatives. » En 2018, il chorégraphie La Fille du Fort, un duo et court-métrage réalisé avec Marion Barbeau.

Finalement, en 2024, il quitte l’Opéra de Paris. « Ça fait longtemps que j’y pensais. J’avais besoin d’élargir mon horizon, d’expérimenter en dehors des cadres institutionnels. » Il rejoint alors des artistes comme Boris Charmatz, séduit par l’idée d’une danse qui investit l’espace public. « J’avais envie de connecter ma danse au réel, de danser ailleurs qu’à Garnier, pour un public plus large, plus divers. »

Son duo Ad Libitum, créé avec Ulysse Zangs, est emblématique de cette quête. « J’aimais l’idée de montrer un corps en train de chercher, de rendre visible l’introspection, la fragilité. » La proximité avec le public devient essentielle. « Je voulais qu’ils ressentent le souffle, l’effort, le doute, qu’ils soient presque au contact de nous. » Cette relation directe avec les spectateurs le pousse à imaginer des formats alternatifs, en dehors du cadre scénique traditionnel.

Ad Libidum de Simon Le Borgne © David Le Borgne
Ad Libidum de Simon Le Borgne © David Le Borgne

Son dernier projet, Un Monde en train de se faire, qui sera présenté au Festival de la Maison Danse Uzès, le 8 juin prochain, dont il est un fidèle depuis l’an passé où il avait montré une étape d’Ad Libidum, s’inscrit dans cette volonté d’explorer de nouveaux espaces scéniques. Imaginé en milieu naturel, il interroge la manière dont l’environnement façonne le mouvement. « Comment un espace non conçu pour la danse peut-il influencer notre manière de bouger ? C’est une question qui me passionne. » En laissant la danse dialoguer avec les éléments, Simon Le Borgne souhaite redonner une organicité au geste et ancrer la performance dans le réel. Cette recherche de sens et de connexion au monde l’amène à collaborer avec d’autres artistes — chorégraphes, plasticiens et musiciens — afin de créer des œuvres pluridisciplinaires qui repoussent les frontières de la scène conventionnelle.

Au-delà de la danse, c’est une histoire fraternelle qui se dessine dans son travail. Avec son frère, il développe une création où la performance chorégraphique se mêle à l’installation vidéo et à la photographie. « Nous avons toujours aimé expérimenter ensemble, mélanger nos disciplines pour voir ce qui en ressort. » Un dialogue entre corps et image, entre souvenir et présent, qui traduit leur complicité artistique et leur quête d’une danse en perpétuel devenir. Ce lien fraternel est moteur dans son processus créatif : ensemble, ils interrogent la mémoire du mouvement, l’empreinte du corps dans l’espace et la manière dont une œuvre se transforme au fil du temps.

Simon Le Borgne ne se contente pas de danser, il interroge, il déplace les lignes, il ouvre de nouveaux espaces. Sa danse est une réflexion en mouvement, un laboratoire de sensations et d’émotions brutes. Entre héritage classique et liberté contemporaine, entre intériorité et partage, il construit un univers où chaque pièce est une invitation à repenser la place du corps dans le monde. « J’ai envie que la danse dépasse son cadre habituel, qu’elle puisse exister ailleurs, autrement. » Une danse du questionnement, où le mouvement est à la fois écriture et révélation, une fenêtre ouverte sur l’inconnu.


Ad Libitum de Simon Le Borgne
création de la version plateau le 4 avril 2024 au Gymnase CDCN – Roubaix Hauts-de-France dans le cadre du festival Grand Bain
durée 55 min

Tournée
19 avril 2025 à la Salle des fêtes de Bousbecque dans le cadre des Belles Sorties de la Métropole Européenne de Lille
21 avril 2025 à la Base de loisirs de Verlinghem dans le cadre des Belles Sorties de la Métropole Européenne de Lille
14 juin 2025 au Couvent des Dominicains à Lille dans le cadre du festival  Latitudes Contemporaines

13 et 14 septembre 2025 aux SUBS, Lyon
27 septembre 2025 à la Salle des fêtes de Tressin dans le cadre des Belles Sorties de la Métropole Européenne de Lille

Dates passées
27 septembre 2024 à La Briqueterie CDCN dans le cadre du Festival Excentriques
9 octobre 2024 au Triangle / La Cité de la danse – Rennes dans le cadre de La Grande Scène organisée par le réseau Les Petites Scènes Ouvertes
3 et 4 décembre 2024 au Théâtre de Vanves dans le cadre de Danse Dense #lefestival

Chorégraphie de Simon Le Borgne
Composition d’Ulysse Zangs
avec Simon Le Borgne, Ulysse Zangs
lumière d’Iannis Japiot
regards extérieurs – Émilie Leriche, David Le Borgne & Philomène Jander

Laisser un commentaire

Your email address will not be published.

Contact Form Powered By : XYZScripts.com