Raphaëlle Boitel © Louis-Michel Grevent
Raphaëlle Boitel © Louis-Michel Grevent

Raphaëlle Boitel, une funambule entre ombre et lumière

À quelques jours de la création de KA-IN avec le Groupe Acrobatique de Tanger dans le cadre du Festival Spring, l’artiste montalbanaise, qui depuis une dizaine d’années hybride les arts vivants pour inventer un cirque extrêmement visuel et cinématographique, remonte le fil de son parcours éclectique et passionné.

Regard mordoré, présence magnétique, Raphaëlle Boitel n’a pas besoin de mots pour captiver. Son corps parle, vibre, défie l’espace. Contorsionniste de l’âme autant que du geste, elle trace depuis l’enfance un chemin où le cirque, le théâtre et la danse s’enlacent et s’entrelacent. « Depuis que je suis toute petite, je n’ai jamais hésité sur le fait que je voulais faire un métier artistique. Je suis née avec cette idée en tête », confie-t-elle.

Dès son plus jeune âge, elle rêve de cinéma. Puis la scène l’attire. À l’école, elle fait un peu de théâtre, mais assez vite, c’est le cirque qui la happe. Plus rien ne sera pareil. « Comme tous les enfants, je suis allée au cirque en famille. Dans mon souvenir, je crois que c’était un spectacle de la compagnie Archaos. Cela m’a totalement retournée et bouleversée. J’ai su immédiatement que c’était ça que je voulais faire. » La découverte est fulgurante, un coup de foudre qui ne la quittera plus.

L’Oublié(e) de Raphaelle Boitel (création 2012) © Vincent Baume

À dix ans, avec son frère Camille, toutaussi passionné qu’elle par cet art, elle intègre l’école d’Annie Fratellini, une légende du cirque, dont l’influence marque un tournant dans sa vie. « Ce fut quelque chose de dingue. Avec ma mère, qui était costumière pour le théâtre, nous avons quitté Montauban, tout vendu et tout laissé derrière nous, pour nous installer à Paris et vivre à 100 % cette vie de bohème. Afin de pouvoir payer notre premier stage, nous faisions des spectacles de rue. » Une persévérance et une pugnacité qui forcent l’admiration d’Annie Fratellini, qui leur ouvre les portes de son école gracieusement. Elle y reste jusqu’à ses quinze ans.

Elle a à peine douze ans lorsqu’elle est repérée par Coline Serreau, qui lui propose ainsi qu’au reste de sa famille de participer à son long-métrage La Belle Verte. L’aventure est incroyable, d’autant qu’elle fait la connaissance de James Thierrée, qui la prend sous son aile. À treize ans, elle intègre sa compagnie. De spectacle en spectacle, elle affine son langage d’interprète entre animalité et suspension, entre prouesse et fragilité. Car c’est là que réside son art : dans cette tension entre la maîtrise absolue et l’abandon à l’instant.

Aidée par son corps souple, elle se spécialise dans la contorsion, mais très vite, elle découvre le travail au trapèze, qui lui permet de prendre de la hauteur.  Dans ses créations personnelles, Ce qu’elle aime par-dessus tout c’est travailler un espace vide, le sculpter grâce aux lumières, tout en sublimant les corps de ces interprètes, souvent des circassiens, mais aussi des danseurs et des performeurs.

La chute des anges de Raphaëlle Boitel © Marina Letvitskaya
La Chute des anges de Raphaëlle Boitel © Marina Letvitskaya

Dans ce domaine, sa rencontre avec Tristan Baudoin marque un tournant essentiel. D’abord au plateau sur son premier spectacle L’Oublié(e), il devient ensuite son fidèle complice lumière. Ensemble, ils cisèlent l’espace à travers un jeu de clair-obscur inspiré des maîtres du baroque – comme Le Caravage ou De La tour – ainsi que du mouvement impressionniste. Ensemble, ils affinent cette signature visuelle où les corps émergent et disparaissent dans des jeux d’ombres maîtrisés. « Nous avons développé une véritable écriture commune, une recherche permanente pour sublimer les corps et créer des espaces mouvants », confie-t-elle.

Depuis plus dix ans, elle collabore aussi avec le compositeur Arthur Bison. Son travail musical épouse les respirations des corps en mouvement et renforce la dramaturgie de chaque création. « La musique d’Arthur est une matière vivante, organique. Elle dialogue avec la lumière et le corps, elle impulse un rythme, une tension dramatique. Nos spectacles se construisent aussi grâce à ce langage sonore qui donne une âme aux images. »

KA-IN de Raphaëlle Boitel © Pierre Planchenault
KA-IN de Raphaëlle Boitel © Pierre Planchenault

Avec le Groupe Acrobatique de Tanger, elle explore un nouvel univers, ancré dans des traditions acrobatiques marocaines particulières, notamment l’acrobatie en cercle du halka. Fascinée par cette légèreté et cette puissance spectaculaires, elle cherche à fusionner leur langage physique avec son esthétique unique. « Ce qui m’intéresse, c’est de rentrer dans leur culture tout en leur apportant une nouvelle façon de s’exprimer sur scène. Ils sont incroyables dans la performance, mais moins habitués à travailler l’interprétation et la mise en scène », explique-t-elle. Avec KA-IN, elle les pousse à transcender l’exécution pure pour incarner pleinement leur art.

Sa collaboration avec eux va au-delà de la simple mise en scène. Elle plonge dans leurs racines artistiques, observe leurs rituels d’échauffement, leurs gestes hérités de générations de voltigeurs, et dialogue avec eux pour construire une narration qui leur ressemble. Elle introduit aussi la danse hip-hop, très présente au Maroc, pour enrichir le langage corporel des artistes. Ce travail d’osmose entre tradition et modernité donne naissance à une œuvre hybride où l’acrobatie rencontre la lumière sculpturale et le mouvement chorégraphié.

Aujourd’hui, elle repousse encore les frontières. Après avoir collaboré avec divers collectifs, dont les élèves de la promotion 32 du CNAC dont elle a signé le spectacle de fin d’études, et rêvant à de nouvelles grandes formes, elle envisage de se tourner vers le cinéma. « J’aimerais réaliser des films, tout en gardant ce qui me constitue : cette physicalité et l’amour du mouvement. » Elle y viendra, c’est certain, avec la même fureur douce, le même art du vertige. Loin de tout sentier battu, Raphaëlle Boitel trace sa route, fidèle à ses valeurs plurielles. Le cirque est pour elle une maison, qu’il faut continuer à faire grandir et évoluer vers d’autres horizons, sans oublier l’essentiel, le sens de la famille et du mouvement !


KA-IN de Raphaëlle Boitel avec le Groupe Acrobatique de Tanger
Création du 5 au 8 mars 2025 au Cirque Théâtre d’Elbeuf dans le cadre du Festival SPRING

Tournée
13 et 14 mars 2025 à L’Agora, PNC de Boulazac
18 et 19 mars 2025 au Parvis, Scène nationale de Tarbes
23 et 24 mars 2025 à la Comédie de Caen dans le cadre du Festival SPRING
27 et 28 mars 2025 au Carré-Colonnes, Scène nationale de Saint-Médard
1 et 2 avril 2025 à la Scène nationale du Sud Aquitain, Bayonne
5 et 6 avril 2025 au Théâtre de Dieppe, Scène nationale dans le cadre du Festival SPRING
11 et 12 avril 2025 à l’Espace Jean Lurçat, Juvisy sur Orge
30 avril 2025 à la MAC de Créteil
2 et 3 mai 2025 au Festival Circusstad, Rotterdam (NL)
6 et 7 mai 2025 au Théâtre Château-Rouge, Annemasse
10 au 13 mai 2025 au  Theatre Ruhrfestspiele (ALL)
16 et 17 mai 2025 au Grand Théâtre de Provence, Aix en Provence
21 au 23 mai 2025 au Volcan, Scène national du Havre
27 et 28 mai 2025 à l’Opéra de Massy
3 et 4 juin 2025 au Théatre Théo Argence, St Priest
10 juin 2025 au  Théâtre de Compiègne
23 juin 2025 aux Nuits de Fourvière, Lyon
27 juin 2025 au Festival des 7 Collines, Saint-Etienne
5 juillet 2025 aux Nuits de Bayssan, Béziers


Ombres portées de Raphaëlle Boitel
spectacle vu en novembre 2024 au Théâtre Silvia Monfort

Tournée
19 au 23 mars 2025 Célestins-Théâtre de Lyon (69)


La Chute des anges de Raphaëlle Boitel
vu le 9 décembre 2022 au Théâtre du Rond-Point 

Tournée 
7 au 09 mars 2025 – Le Radiant-Bellevue – Caluire et Cuire (69)
13 et 14 mars 2025 – Théâtre de Villefranche sur Saône, Scène conventionnée (69)

22 au 24 mai 2025  au Teat Champ fleuri, St Denis, La Réunion
27 mai 2025 au  Théâtre Luc Donat, Le Tampon, La Réunion


La Bête noire & Petite Reine de Raphaëlle Boitel
 Reprise 2024 et création 
 

Tournée 
1er et 2 avril 2025 au Gallia Théâtre, Scène conventionnée de Saintes
4 et 5 avril 2025 au Carré-Colonnes, Scène nationale Saint-Médard-en-Jalles 
8 avril 2025 2025 aux Trois T, Scène conventionnée de Châtellerault
17 avril 2025 au Théâtre Georges-Leygues, Villeneuve-sur-Lot  

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