Vos débuts
Votre premier souvenir d’art vivant ?
Je me souviens de marionnettes dans ma chambre d’enfant, lorsque j’étais toute petite. Mes parents me les ont sûrement offertes pour m’occuper, et il me semble que j’y jouais des heures, parfois avec eux. Ce souvenir me procure la même sensation que lorsqu’on perd la notion du temps en forêt, quand notre esprit s’échappe loin et se rapproche du monde qui nous habite.

Qu’est-ce qui vous a poussé à choisir cette voie ?
Peut-être parce que je rêvais d’être danseuse et que mon corps n’a pas suivi, je suis arrivée au théâtre. J’ai comme échoué malgré moi dans les mots. Mais ce sont eux, les mots et l’imaginaire, qui m’ont finalement donné une force intarissable.
Pourquoi ce métier ?
Il ne me semble pas avoir choisi. J’ai parcouru pendant longtemps le chemin de la joie dans la danse et le théâtre, puis un jour, on m’a dit que je ne pourrais jamais aller plus loin. Que je n’étais pas assez ceci ou cela, que mon corps était trop faible. Ce « non » a fait naître en moi un désir de vaincre et de dire, de prendre une place que je pensais mériter parce que je travaillais comme une acharnée. J’ai compris plus tard que ce « non » avait été une source de rage inépuisable.
Puis j’ai découvert que nous vivons dans une infinité de mondes, et que nous choisissons dans lesquels exister. Alors, au théâtre, je rêve de me fondre dans plusieurs vies, plusieurs métiers : un jour historienne, un jour étudiante, un jour sauteuse des calanques à Marseille… Je peux être ce que je rêve d’être. Et j’aime ce rythme décalé, être un oiseau de nuit qui aime aussi les matins.
Bref, parcourir des mondes qui s’éloignent d’une réalité souvent trop poisseuse.
Racontez-nous le tout premier spectacle auquel vous avez participé. Une anecdote marquante ?
Mon premier spectacle de danse avec cette prof incroyable qu’était Rozenn Dubreuil, à Brest. Avec une jolie bande d’enfants de 5 ans, elle nous a fait danser avec des pâtes à tarte sur une musique électro-disco. J’ai encore en tête l’odeur du maquillage et des pâtes à tarte. On a rarement été aussi libres… Un vrai souvenir de bonheur et de joyeux désordre.
Passions et inspirations

Votre plus grand coup de cœur scénique ?
Le premier choc esthétique au théâtre pour moi, c’était Les Particules élémentaires de Julien Gosselin. Ce spectacle m’a donné un immense désir de scène.
Puis la voix de Jeanne Moreau au début du spectacle Splendid’s d’Arthur Nauzyciel, qui m’a propulsée dans une émotion oubliée. J’avais oublié à quel point sa voix faisait partie de mon enfance.
Et plus récemment, Put your heart under your feet and walk de Steven Cohen. Une rencontre artistique bouleversante, où j’ai vraiment ouvert les yeux.
Quelles belles rencontres ont marqué votre parcours ?
Mon passage à l’école du TNB a été une période marquante. J’y ai rencontré des artistes qui m’ont permis de me rencontrer moi-même : toute la promotion X, Arthur Nauzyciel, Laurent Poitreneaux, Gisèle Vienne, Steven Cohen (dont j’ai parlé plus haut), Phia Ménard, Gilles Blanchard et tant d’autres.
Aujourd’hui, j’ai la chance de travailler avec des personnes comme Pascal Rambert, Delphine Hecquet ou Pascale Daniel-Lacombe.
Il y a aussi des interprètes qui m’ont bouleversée sur scène, comme Marie Bunel, à qui je dois beaucoup.
Et aujourd’hui, Félicien Fonsino, avec qui je crois en l’avenir en créant notre compagnie.
Où puisez-vous votre énergie créative ?
La mémoire. La nuit. Ceux qui m’entourent, que je connaisse ou non. Les rires. Les romans, graphiques ou non. La musique, toutes. L’astrophysique, beaucoup trop, alors que je n’y connais rien. Le cinéma.
Mais surtout, peut-être plus aujourd’hui qu’un autre jour et peut-être moins demain : le corps. Sa résistance. Sa puissance. Ce qu’on n’ose même pas imaginer de lui, ce qu’on ne sait plus de lui et ce qu’il regorge en nous tous. La puissance de l’imaginaire sur lui. Rien ne me semble impossible avec lui.
En quoi ce que vous faites est essentiel à votre équilibre ?
Je ne pense pas que le mot équilibre soit le plus juste… Par contre, ce métier m’a sûrement détournée du destin qui m’était réservé.
L’art et le corps

Que représente la scène pour vous ?
Je ris, car il me semble n’y voir que désordre et furie. Une soif de partage. Jouer, dans sa plus grande définition. Dire et recevoir des mots qui, dans ma vie, n’existeront jamais.
Je me surprends sur scène, je ne m’attends jamais à revivre la même chose, mais toujours avec ce plaisir de la répétition. J’aime la complexité des rapports humains et cette quête de sens qui, sur scène, ne peut se terminer qu’en nouvelles questions.
J’aime aussi profondément les silences, ceux qui en racontent bien plus que les mots.
Où ressentez-vous, physiquement, votre désir de créer et de jouer ?
Je pourrais dire les tripes, car c’est là que se cachent mon trac, ma peur, les papillons et les fourmis d’excitation.
Le sexe, d’où part la parole.
Mais surtout mes yeux. Je ne me lasse pas d’écouter, d’observer ce qui passe devant moi, de recevoir avec eux.
Rêves et projets

Avec quels artistes aimeriez-vous travailler ?
J’aime être surprise par les rencontres. J’aime les impossibles, les étonnantes. Celles où on ne m’attend pas.
Et je n’aime pas avoir d’attentes envers le monde.
Alors surprenez-moi.
Si tout était possible, à quoi rêveriez-vous de participer ?
Surprenez-moi, bis. (Mais… le cirque. Replonger dans des textes classiques que j’aime profondément. Des performances où des dizaines de personnes se frôlent, s’extasient pendant des heures. Je me suis toujours dit que je serais incapable d’imaginer où je serais dans cinq ans, parce que la vie a une plus grande imagination que moi. Et j’aime cette idée.)
D’ailleurs, un biopic sur une grande navigatrice me trotte en tête depuis des années…
Si votre parcours était une œuvre d’art, laquelle serait-elle ?
Un mélange entre les essais de Claire Marin (Hors de moi ou Être à sa place), les vies sauvages et dystopiques écoféministes de Gabrielle Filteau-Chiba, et La pluie d’été de Marguerite Duras.
Et bien sûr, un peu de Mr Bean et du Grinch.
Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Dan Då Dan Dog de Rasmus Lindberg
Adaptation d’après Le mardi où Morty est mort – Éditions Espaces 34
création le 25 janvier 2023 dans le cadre des Rencontres d’hiver – Le Méta
Durée 1h30
Reprise
13 au 17 mars 2025 au T2G – Théâtre de Gennevilliers CDN
Dates passées
Du 6 au 9 mars 2024 au Théâtre de L’Union – CDN de Limoges
Du 13 au 16 mars 2024 au Préau CDN de Vire
Traduction de Marianne Ségol-Samoy, Karin Serres
mise en scène de Pascale Daniel-Lacombe assistée de Juliet Darremont- Marsaud
dramaturgie de Marianne Ségol-Samoy
scénographie de Pascale Daniel-Lacombe Philippe Casaban & Éric Charbeau
création lumière de Thierry Fratissier assisté deManon Vergotte
création sonore de Clément-Marie Mathieu
composition musicale de Pascal Gaigne
avec Mathilde Viseux, Elsa Moulineau, Mathilde Panis, Étienne Kimes, Ludovic Shoendoerffer, Jean-Baptiste Szezot, Étienne Bories
régie générale – Mathieu Duval, régie plateau – Chloé Chatham- Lawrence, Mathieu Duval, Jean-Philippe Boule (en alternance) , régie lumière de Manon Vergotte
création costumes de Béatrice Ferron
fabrication décor – Les ateliers théâtre de L’Union – CDN Limoges
équipe de création accessoires scénographiques – Jérémie Hazael-Massieu, Clément-Marie Mathieu, Annie Onchalo, Laurent Boulé, Laurent Patard, Karlito Bouet-Levandoski, Étienne Kime