Pierre Adrian © F. Mantovani - Éditions Gallimard

Hôtel Roma : Pierre Adrian sur les traces de Pavese

Dans son dernier roman, le lauréat du prix des Deux Magots et du prix François-Mauriac de l’Académie française en 2016 suit la piste de l’écrivain italien, interrogeant les paysages, les textes et les silences. Un pèlerinage intime autant qu’un hommage littéraire.

Turin, chambre 49 de l’Hôtel Roma. C’est ici que Cesare Pavese a mis fin à ses jours en 1950. Pierre Adrian commence son récit dans cette pièce où tout s’est arrêté, non par fascination morbide, mais comme point d’ancrage. Il ne s’agit pas d’un livre sur le suicide, mais d’un livre sur un écrivain qui a fini par se suicider.

Alors, il arpente. Il suit les contours d’une œuvre et d’une vie, se laisse porter par la géographie de l’écrivain : Turin, les collines du Piémont, le souvenir d’un homme en retrait, d’un auteur hanté par l’idée du retour. Il convoque Le Métier de vivre, Le Bel été, La Lune et les Feux, capte les fragments d’un destin où la solitude et le doute se mêlent à l’élan vital.

Il n’est pas seul dans cette quête. À ses côtés, une femme – « la fille à la peau mate ». Présence discrète mais essentielle, elle équilibre le récit, pose un autre regard sur Pavese, celui d’une lectrice d’aujourd’hui. Car Pavese intrigue, dérange parfois. Ses réflexions sur les femmes, abruptes et tranchantes, ne font pas de lui un modèle de modernité. Pourtant, derrière cette image virile et distante, se dessine un écrivain dont les personnages féminins sont subtils, riches et contrastés. Une part de lui qu’il n’a peut-être pas su assumer.

Adrian interroge Pavese, mais il s’interroge aussi lui-même. Que signifie être écrivain aujourd’hui ? Où se situe la frontière entre le retrait et la lâcheté ? Peut-on vraiment vivre en se tenant à distance du monde ? Il tisse un dialogue souterrain avec son sujet, cherchant non pas à imiter, mais à comprendre.

Hôtel Roma est un texte sensible et élégant qui traverse le temps avec grâce. Ni biographie ni roman, mais une conversation avec un fantôme, un écrivain disparu qui continue d’éclairer ceux qui viennent après lui. Un livre qui donne envie de (re)lire Pavese, de s’attarder sur ses silences et d’écouter ce qu’ils ont encore à nous dire. Par sa plume fluide et évocatrice, Pierre Adrian fait revivre l’Italie de Pavese et redonne à ses paysages, ses doutes et ses désillusions une voix intemporelle. Un livre qui ne se contente pas de raconter, mais qui transporte, interroge et bouleverse.


Hôtel Roma de Pierre Adrian
Éditions Gallimard
paru le 22 août 2024
192 pages
prix conseillé 19,50 €

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