Dans Le Discours de la servitude volontaire, formidable réquisitoire contre la tyrannie, La Boétie alors âge de dix-huit ans, explique que « contrairement à ce que beaucoup croient, la servitude est volontaire et non imposée par la force. » Dans un esprit astucieux et pertinent, l’auteur contemporain, LM Formentin a glissé, entre deux pensées de l’humaniste, des exemples historiques.
Pour faire entendre ce texte à l’allure de conférences, le metteur en scène Jacques Connort a eu la bonne idée de choisir l’ineffable Jean-Paul Farré et le faire sortir des clous. Il place le comédien dans un jeu de miroirs formidable. Dès le début, il apparaît comme un acteur interprétant un La Boétie vieillissant, réfléchissant et ressassant sa thèse. Pendant un court instant, on se demande si l’ennui ne va pas vite nous saisir. Le premier glissement surgit, mettant en place ce magnifique va-et-vient entre les époques. On les attend même. Avec le recul du temps, certaines allusions prêtent à rire et d’autres font frémir. La litanie des grands tyrans égrainée tel un inventaire à la Prévert est remarquable.
Lancé tel le J’accuse de Zola, ce spectacle donne à réfléchir sur notre époque. Et n’oublions pas que les tyrans « si on ne leur bâille rien, si on ne leur obéit point, sans combattre, sans frapper, ils demeurent nus et défaits et ne sont plus rien, sinon que comme la racine, n’ayant plus d’humeur ou aliment, la branche devient sèche et morte. ». À bon entendeur salut !
Marie-Céline Nivière
De la Servitude volontaire, de LM. Formentin, d’après le discours éponyme d’Étienne de la Boétie
Essaïon
6 rue Pierre au Lard
75004 Paris.
Jusqu’au 27 avril 2025
durée 1h10.
Mise en scène de Jacques Connort
Avec Jean-Paul Farré
Décor de Jean-Christophe Choblet
Costume d’Isabelle Deffin
Musique de Raphaël Elig
Lumières d’Arthur Deslandes