Ce pays qui nous était destiné d'Aurore Paris, mise en scène de Vincent Menjou-Cortès © Emmy Martens
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Ce pays qui nous était destiné : À l’amour, à la mort ! 

Passionnée par le cinéma-vérité de Cassavetes, Pialat et Bergman, Aurore Paris signe, pour sa première pièce, un huis clos amoureux tragiquement incandescent, intensifié par la mise en scène de Vincent Menjou-Cortès.

Devant la scène, une silhouette blanche et élégante, semblant tout droit sortie d’un photocall cannois, fait les cent pas. Derrière d’immenses lunettes fumées, elle dissimule un visage crispé. Au loin, un fracas. Puis, venant des entrailles du théâtre, un homme la rejoint. Elle se détend. Les premières piques fusent. Entre ces deux êtres, l’amour et la haine se conjuguent jusqu’à se confondre. Les mots sont des flèches vénéneuses. Se moquer de l’autre, le blesser, est devenu leur unique mode de communication depuis longtemps.

Ce pays qui nous était destiné d'Aurore Paris, mise en scène de Vincent Menjou-Cortès © Emmy Martens
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Ils ont 44 ans et se sont passionnément aimés il y a plus de dix ans. Il est temps de faire le bilan. De leur rencontre accidentelle – un matin d’été parisien, il l’a renversée en scooter alors qu’elle grillait un feu à vélo – à aujourd’hui, ils se sont éloignés, abîmés. Pourtant, sous leur brutalité et leur violence verbale se cache un lien indéfectible qui les unit à la vie, à la mort.

Louis (Vincent Menjou-Cortès) était destiné à devenir un grand écrivain. Il végète depuis des années dans un lycée de banlieue et peine à joindre les deux bouts. Anna (Vanessa Fonte) n’avait d’autre ambition que de vivre libre. Elle est aujourd’hui une star de cinéma adulée. Tout les sépare. Leurs retrouvailles, à sa demande, douze ans après qu’elle se soit enfuie sans un mot, sur l’île qui avait abrité leurs amours, sonne comme un caprice. Mais qu’en est-il vraiment ?

Dans la lignée de Cassavetes et de Bergman, Aurore Paris plonge dans l’intimité crue d’un couple au bord de la rupture et explore, jusqu’au vertige, les sommets et les abysses d’une passion dévorante et déchirante. Vincent Menjou-Cortès s’empare avec fièvre des face-à-face et, en brisant à plusieurs reprises le quatrième mur, invite le spectateur à devenir témoin de cette guerre charnelle. Les mots blessent ; les corps, eux, apaisent.

Construit comme un huis clos sans échappatoire – une immense cellule monacale dans un ancien monastère abandonné – Ce pays qui nous était destiné est à la fois le constat d’un échec cuisant et celui de la difficulté d’aimer. Le décor, presque superfétatoire, ne sert qu’à situer l’action. L’essentiel, le metteur en scène l’a bien compris, réside dans la tension électrique permanente entre les deux protagonistes.

Ce pays qui nous était destiné d'Aurore Paris, mise en scène de Vincent Menjou-Cortès © Emmy Martens
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Bien que la pièce cherche encore son rythme et que le jeu s’affine au contact du public, les deux artistes font montre d’une belle intensité. Ils habitent pleinement leurs personnages. Vanessa Fonte, tour à tour sarcastique, distante et fragile, donne à Anna une complexité empreinte de tragique retenu. Plus en réserve dans le jeu de séduction, Vincent Menjou-Cortès se révèle magistral dans la confrontation. Chacune de ses répliques, telles des banderilles assassines, atteint son but.

Malgré les plaies ouvertes où chacun jette de l’acide pour empêcher toute guérison, l’amour demeure, puissant, triomphant. La mort, la haine, l’orgueil et la vanité s’effacent devant une larme, une dernière caresse.


Ce pays qui nous était destiné d’Aurore Paris
Création : 12 mars 2025 à la Scène nationale du Sud-Aquitain
Théâtre Quintaou (petite salle)
Anglet
durée 1h20

Tournée
5 au 26 juillet 2025 au 11 Avignon dans le cadre du Festival OFF Avignon


Mise en scène de Vincent Menjou-Cortès – Cie Salut Martine 
Avec Vanessa Fonte & Vincent Menjou-Cortès
Scénographie de Fanny Laplane

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