Avant d’évoquer 100 % Magie, nouveau temps fort de la scène nationale de Villeneuve-d’Ascq. Pouvez-vous nous raconter l’histoire de La rose des vents ?
Audrey Ardiet : C’est l’un des premiers bâtiments culturels de la ville nouvelle qu’est Villeneuve-d’Ascq. La structure a été inaugurée en 1976, après plus de cinq ans de travaux. Dès ses débuts, l’espace a été conçu non pas comme un simple théâtre, mais comme un lieu de création pluridisciplinaire, une ambition qui est toujours d’actualité. Il faut savoir que ce bâtiment était entouré de champs à sa construction et qu’il a progressivement vu la ville grandir autour de lui, en devenant un repère culturel incontournable. Depuis 1978, une convention le définit comme un espace à « fonction multiple », affirmant sa vocation à accueillir toutes les formes artistiques. Aujourd’hui encore, nous portons cette ambition en nous adaptant aux évolutions artistiques et aux attentes du public.
Comment se positionne La rose des vents dans le paysage culturel lillois particulièrement bien doté ?
Audrey Ardiet : Ce qui est formidable dans la métropole lilloise, c’est justement la richesse des propositions artistiques et la coopération entre les lieux qui en découle. Nous travaillons main dans la main avec d’autres structures comme Le Prato pour le cirque, Le Grand Bleu pour le jeune public, ou encore le Théâtre du Nord pour de grandes productions. Il n’y a pas de concurrence, mais une complémentarité qui permet une offre culturelle diversifiée pour le public. Cette collaboration est d’ailleurs historique dans la région et repose sur une philosophie de partage et d’ouverture. Cela nous permet d’imaginer ensemble des co-productions et des événements qui dépassent nos murs.
En prenant la direction du lieu en 2023, après en avoir été longtemps la secrétaire générale, vous avez renforcé la dimension pluridisciplinaire de la programmation. Quels sont vos axes de développement ?
Audrey Ardiet : C’est une volonté de ma part. Mais avec l’équipe, nous souhaitons aller encore plus loin en mettant en avant des disciplines parfois sous-représentées, comme le théâtre d’objets ou la magie. C’est d’ailleurs, ainsi qu’est né le festival 100% Magie, qui met en lumière la richesse de cet art à travers des spectacles très différents, de la performance immersive à la magie traditionnelle. Nous voulons ouvrir les horizons du public et montrer que cette discipline ne se limite pas aux tours de cartes, mais peut aussi être un langage artistique à part entière, avec des écritures contemporaines et innovantes.
Pourquoi la magie ? Qu’est-ce qui vous fascine dans cet art ?
Audrey Ardiet : La magie est un art qui suscite immédiatement la curiosité et l’émerveillement. C’est aussi une discipline qui interroge notre perception du réel, qui joue avec nos sens et notre esprit critique. Il y a une dimension scientifique fascinante dans les illusions, et nous avons voulu explorer cet univers en profondeur. Par ailleurs, elle est intergénérationnelle, accessible et pourtant empreinte de mystère. Nous avons donc cherché des artistes qui exploitent la magie sous différentes formes : illusionnisme, manipulation d’objets, performances interactives, ou encore hybridation avec d’autres disciplines comme la danse ou le théâtre.
Quels sont les grands moments de cette deuxième édition ?
Audrey Ardiet : Nous reprenons le concept de l’an passé initié par Thierry Collet, qui est notre artiste associé sur ce projet, de la Magic Night, une soirée où trois artistes internationaux présentent des performances courtes et percutantes. Nous accueillerons cette année Jeanette Andrews, une Américaine dont les installations flirtent avec l’art contemporain, Rúbi Férez, un jeune magicien espagnol qui réinvente la magie de proximité, et Luc Apers, un Belge au style plus classique, mais d’une efficacité redoutable.
En parallèle de ce moment particulier, nous avons des spectacles narratifs comme Vers les Métamorphoses d’Étienne Saglio, qui propose un voyage initiatique visuel et poétique. Nous voulons aussi donner une place aux magiciennes, encore trop rares dans ce domaine, comme avec Les Clairvoyantes, un spectacle intimiste mêlant mentalisme et théâtre imaginé par Camille Joviado et Claire Chastel de la compagnie Yvonne III.
Vous avez aussi un lien avec le cinéma, notamment via Le méliès, le cinéma de La rose des vents. Comment intégrez-vous cet aspect dans votre programmation ?
Audrey Ardiet : Nous essayons toujours de proposer des prolongements cinématographiques à nos spectacles. Par exemple, cette année, nous projetons un documentaire sur la création de Vers les Métamorphoses pendant le festival 100% Magie. À l’avenir, j’aimerais encore élargir ces passerelles avec des conférences, des ateliers et des explorations autour des arts illusionnistes. Ce dialogue entre le spectacle vivant et le cinéma permet d’enrichir les expériences des spectateurs et de leur offrir plusieurs portes d’entrée sur un même univers artistique.
La rose des vents est actuellement hors les murs en raison de travaux. Comment gérez-vous cette itinérance ?
Audrey Ardiet : C’est un vrai défi, mais aussi une formidable opportunité de renforcer nos partenariats. Nous travaillons avec la ville de Villeneuve-d’Ascq pour utiliser des lieux comme l’espace Concorde ou la Ferme d’En Haut, une des maisons folies, héritage de Lille 2004, année événementielle où la ville fut désignée comme capitale européenne de la culture. Nous avons également développé des collaborations avec des scènes nationales comme Le Phénix à Valenciennes ou la Maison de la Culture de Tournai en Belgique. Cette itinérance permet de toucher de nouveaux publics et de créer des ponts entre les territoires. Nous avons la chance d’être dans une région où l’entraide entre structures culturelles est très forte, ce qui facilite ces déplacements.
Que souhaitez-vous pour l’avenir de La rose des vents ?
Audrey Ardiet : Que ce lieu continue d’être un espace d’échange, de découverte et de création ! Nous voulons offrir des expériences artistiques marquantes, surprendre le public et défendre une programmation audacieuse et ouverte sur le monde. La culture doit rester un espace de rencontre et d’émerveillement, et c’est ce que nous continuerons de cultiver au sein de notre établissement. Nos projets futurs incluent le renforcement des collaborations internationales et l’exploration de nouvelles disciplines artistiques.
Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
100 % Magie
du 25 mars au 5 avril 2025
La rose des vents
Boulevard Van Gogh
59650 Villeneuve-d’Ascq
