Comment est né le festival Artdanthé ?
Anouchka Charbey et Jérémy Mazeron : Le festival a été créé en 1998 par José Alfarroba, alors directeur du Théâtre de Vanves. Il était régulièrement sollicité par de jeunes compagnies de danse du territoire qui ne parvenaient pas à montrer leur travail s sur les scènes publiques. À l’époque, l’accompagnement de l’émergence artistique n’était pas une priorité. Il a donc imaginé ce festival pour leur permettre de présenter au public leurs premières pièces, aux côtés de celles de chorégraphes plus établis.
Quel est l’ADN du festival ?

Anouchka Charbey et Jérémy Mazeron : Depuis sa création, Artdanthé s’est rapidement distingué par la programmation de formes audacieuses, innovantes, parfois radicales, toujours foisonnantes et exploratoires. Depuis l’origine, la création y occupe une place prépondérante.
Comment a-t-il évolué au fil des années ?
Anouchka Charbey et Jérémy Mazeron : Progressivement, des artistes internationaux ont intégré la programmation. Ensuite, des formes plus théâtrales ont émergé, atteignant un équilibre avec la danse après 2010. Lors du changement de direction en 2015, nous avons choisi de recentrer la programmation sur la danse, tout en intégrant diverses formes artistiques où le corps est le médium principal. En nous appropriant l’événement, nous sommes restés fidèles aux grandes lignes qui ont fait son identité.
Quels sont les temps forts de cette édition ?
Anouchka Charbey et Jérémy Mazeron : Le festival est un temps fort en lui-même, avec près de 25 projets en trois semaines. Nous l’ouvrons ce vendredi 7 mars avec deux créations présentées pour la première fois en France – ce qui est devenu l’un des marqueurs d’Artdanthé. Il s’agit de The Great Chevalier de M. Chevalier et Simone Mousset, qui marque le retour du Ballet National Folklorique du Luxembourg, exactement 50 ans après sa première venue à Vanves, ainsi que Les Héritier·x de Marion Zurbach. Cette dernière, qui partage son temps entre la France et la Suisse, signe ici un projet passionnant sur les danses et musiques de la Renaissance, réactualisées avec finesse.

La clôture sera également un moment fort du festival. Cette année, nous l’avons imaginée comme une grande célébration à la fois engagée et festive. Habituellement, le public découvre deux spectacles chaque soir à Artdanthé. Mais le 28 mars, ce sont cinq projets qui seront présentés ! La plupart seront des créations – autre marqueur du festival – ce qui rend cette soirée pleine de surprises, même pour nous. Parmi eux : Audrey Bodiguel fera danser les étudiant·es du PSPBB – Pôle Supérieur Paris Boulogne-Billancourt ; Nicolas Barry lancera un appel sans ambiguïté à l’accueil avec La Demande d’asile ; Darius Dolatyari-Dolatdoust activera les costumes qu’il aura exposés dans la galerie du Théâtre tout au long du festival ; Nina Santes nous proposera des Chansons mouillées pour lutter contre l’assèchement de nos affects ; et enfin, Aloun Marchal puis Nefeli Asteriou & Konstantinos Rizos nous feront danser jusqu’au bout de la nuit…
Comment choisissez-vous les artistes que vous présentez ?
Anouchka Charbey et Jérémy Mazeron : Chaque année, la programmation repose sur des fidélités et de nouvelles rencontres. Le Théâtre de Vanves est un lieu très identifié par les artistes, qui nous témoignent régulièrement leur attachement à son projet. Nous tentons de leur rendre cette confiance en les accompagnant dès les prémices de leurs créations. Ainsi, le critère principal de notre programmation est bien souvent la relation de confiance humaine que nous développons avec eux. Nous accueillons des artistes en résidence, nous suivons leur travail pendant une ou deux saisons avant d’aboutir à une diffusion.
Bien entendu, le propos des œuvres, le parcours des artistes et les considérations esthétiques jouent un rôle central dans nos choix. Mais cette confiance mutuelle reste une valeur ajoutée essentielle : à un moment donné, l’accompagnement devient une évidence.

Par ailleurs, nous sommes particulièrement attentifs aux projets en prise avec la société et ses luttes. Chaque année, nous nous interrogeons sur l’équilibre de notre programmation : offre-t-elle suffisamment de place à des parcours, des histoires et des discours différents ? Nous n’avons pas vocation à être exhaustifs, mais nous tentons, pas à pas, d’aller vers une meilleure représentation de toutes et tous, de tous les imaginaires.
Que peut-on vous souhaiter ?
Anouchka Charbey et Jérémy Mazeron : De manière très pragmatique, que nous puissions continuer à bénéficier de la confiance du public et de nos partenaires afin de poursuivre ce travail, édition après édition, aussi longtemps que possible.
Dans le contexte actuel, particulièrement violent et angoissant, nous espérons surtout que les œuvres des artistes, leurs désirs profonds d’utiliser l’art comme un outil pour améliorer notre monde, puissent réellement avoir un impact. Que ce travail de fourmi auquel nous croyons tous, puisse opérer. Et qu’au moins le temps du festival, la joie de nous retrouver, de partager et de confronter nos opinions autour des œuvres soit plus forte que les nombreuses tentatives de nous diviser.
Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Festival Artdanthé
Du 7 au 28 mars 2025
Théâtre de Vanves
12 Rue Sadi Carnot
92170 Vanves