Toujours entre deux trains, Victoria Quesnel profite de quelques jours de repos à Paris. Le temps d’un café crème, elle pose ses valises dans un bistrot de la place de la République avant de repartir pour Reims. Pause bien méritée dans sa vie de comédienne en perpétuel mouvement. Volubile, mais jamais futile, l’artiste savoure ce moment tout en remontant le fil de ses quinze années de métier.
Une voix

Énergique, la gestuelle prolixe, Victoria Quesnel est une enfant globe-trotteuse. Née à Rennes, elle passe son enfance à Reims, puis à Biarritz, Strasbourg et enfin Bordeaux, où elle entame des études de droit. Gamine, elle découvre le théâtre et la sensation des planches. « J’ai toujours eu cette voix singulière, grave et fêlée, lance-t-elle en riant. J’en avais honte. Mes parents, pour m’aider à me sentir mieux, ont eu l’idée de m’inscrire à un cours de théâtre. L’effet a été immédiat. » La scène devient alors un refuge, un terrain de jeu où elle découvre la puissance du verbe et du corps en mouvement.
Bonne élève, studieuse, aimant apprendre par cœur, elle s’éloigne un temps du théâtre et se rêve dans un prétoire. « J’aimais bien le droit, mais il me manquait quelque chose. J’avais besoin d’un espace où les règles n’étaient pas figées dans des codes. » Curieuse, elle explore les filières pour devenir comédienne, fréquente des aspirants artistes et monte dans le train sans trop se poser de questions. Au fond d’elle, elle sait que le théâtre est sa véritable maison. Elle entre au conservatoire de Bordeaux, passe plusieurs concours et intègre finalement L’École du Nord, dirigée à l’époque par Stuart Seide.
Des rencontres pour la vie

Bonne vivante, fêtarde à ses heures, elle se fait vite des amis qui façonneront son avenir. Elle rencontre Julien Gosselin, Noémie Gantier, Antoine Ferron notamment, avec qui elle fonde le collectif Si vous pouviez lécher mon cœur. Sa voix singulière et sa manière d’habiter les rôles la font remarquer. Après avoir été dirigée en 2009 par Stuart Seide dans Quel est l’enfoiré qui a commencé le premier ? de Dejan Dukowski, elle travaille avec Laurent Hatat, Cécile Backès et Arnaud Anckaert. Puis Tiphaine Raffier, qu’elle a connue à Lille, lui propose de jouer dans sa première pièce, La Chanson, puis dans Dans le nom.
En 2013, c’est la consécration : Les Particules élémentaires enflamme le Festival d’Avignon puis l’Odéon à Paris. « Deux cents dates de tournée, c’était énorme. J’ai compris ce qu’impliquait une vie de comédienne : le travail, l’énergie, le temps », se souvient-elle. Avec Gosselin, elle explore les textes de DeLillo, Bernhard, et surtout, Le Passé d’Andreïev, qui marque un tournant dans leur relation metteur en scène-comédienne. « Cette pièce m’a permis d’exprimer quelque chose d’enfouie en moi et de sortir des terreurs que je mettais sous le tapis. Chaque soir, j’y laissais quelque chose de personnel, une émotion brute que je n’aurais jamais osé exprimer ailleurs. »
D’autres horizons

Son jeu fascine, sa présence capte. Pascal Rambert lui propose de jouer dans la reprise de Finlandia. « C’était un rêve. Pascal fait partie des artistes que j’admire. Travailler avec lui a été intense et passionnant. Il communique une immense joie et un amour sincère du jeu. »
Sur scène, elle se décrit comme un « petit soldat ». « Chaque expérience est différente. Avec Julien, on se comprend sans se parler. Avec Lorraine (de Sagazan), j’ai appris à lâcher prise et à me faire confiance. Elle m’offre un espace de liberté où l’improvisation m’a redonné le goût du jeu dans sa forme la plus pure. »
En 2024, elle rencontre Hugues Jourdain et adapte Nom de Constance Debré. « Jouer ses mots, c’est comme marcher sur une ligne de crête. Ce projet m’a permis de déconstruire mes « familles », celle du cœur et du sang, pour mieux les retrouver. »
Le théâtre pour la vie
Aujourd’hui, elle jongle entre projets et nouvelles aventures, avide d’explorer d’autres territoires. « Je n’ai jamais eu de rêve précis de rôles ou de textes. Ce sont les rencontres qui m’animent. » Roméo Castellucci, Carolina Bianchi ou Angelica Liddell… elle rêve d’échanger avec ces artistes qui l’attirent. « Chaque collaboration est un saut dans l’inconnu, une opportunité de se réinventer. »
Victoria Quesnel vit son art avec une intensité brûlante. Magnétique, elle s’est fait un nom. Les projets ne manquent pas. C’est donc sur les planches qu’on la retrouve, car elle y joue sa vie sans modération.
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Léviathan de Guillaume Poix
création en juillet 2024 au Gymnase du Lycée Aubanel dans le cadre du Festival d’Avignon
durée 1h50
Tournée
25 au 27 février 2025 à La Comédie Centre dramatique national de Reims
4 au 7 mars 2025 au ThéâtredelaCité Centre dramatique national Toulouse Occitanie
18 mars 2025 à L’Estive Scène nationale de Foix et de l’Ariège
25 au 28 mars 2025 à La Comédie de Saint-Étienne Centre dramatique national
2 au 6 avril 2025 aux Célestins Théâtre de Lyon
10 et 11 avril 2025 à la MC2 Grenoble Scène nationale
16 et 17 avril 2025 à La Comédie de Valence Centre dramatique national Drôme-Ardèche
2 au 23 mai 2025 à l’Odéon-Théâtre de l’Europe (Paris)
Dates passées
13 au 16 novembre 2024 au Théâtre national de Bretagne (Rennes) dans le cadre du Festival TNB
20 et 21 novembre 2024 au Grand R Scène nationale de La Roche-sur-Yon
28 et 29 novembre 2024 au Théâtre de Sartrouville et des Yvelines Centre dramatique national
5 décembre 2024 à La Passerelle Scène nationale de Saint-Brieuc
11 et 12 décembre 2024 à L’Azimut Pôle national cirque (Antony, Châtenay-Malabry)
30 janvier au 6 février 2025 au Théâtre du Nord Centre dramatique national Lille Tourcoing Hauts-de-France
Conception et mise en scène de Lorraine de Sagazan
Avec Khallaf Baraho, Jeanne Favre, Felipe Fonseca Nobre, Jisca Kalvanda, Antonin Meyer-Esquerré, Mathieu Perotto, Victoria Quesnel, Eric Verdin