Ça commence avec une pelletée de questions : « Est-ce qu’une œuvre d’art vous a déjà ému aux larmes ? » (Réponses mitigées dans la salle) ; « Pensez-vous que nos démocraties soient en danger ? » (Torrent de « oui ») ; puis, « L’art peut-il sauver le monde ? » (Réponses mitigées, encore). Face au public, le comédien belge Michaël De Cock, seul sur scène, ne peut réprimer un sourire. D’abord timides, les réponses du public à ces interrogations existentielles, qui viendront ensuite irriguer le reste de son spectacle, sont partagées. Seule hypothèse à faire l’unanimité dans cette petite salle de la Comédie de Reims : la culture et, par extension, nos sociétés démocratiques seraient menacées de destruction. Peut-on les sauver ?

Présenté dans le cadre du festival FARaway, qui met en avant les productions théâtrales issues de l’Europe du Nord (parmi lesquelles celles du Suédois Marcus Lindeen et de la Lituano-américaine Yana Ross), Paris et Miki est né dans l’imagination de son auteur, à Anvers. À l’époque, la commune belge vient d’obtenir le titre honorifique de capitale européenne de la culture et a déployé dans ses rues une campagne d’affichage qui pose la même question fatidique que celle adressée au public en début de spectacle (« L’art peut-il sauver le monde ? »).
Une question, pas de réponse
Pour y répondre, Michaël De Cock, dont l’autodérision et la bienveillance naturelle font le sel de ce spectacle, se lance dans un vaste et drolatique récit qui, bien que divertissant, nous fait un peu perdre de vue les enjeux de départ. Alors qu’il assiste à une édition du très branché festival de musiques électroniques Tomorrowland, le comédien, à l’époque salarié du théâtre royal du Parc, à Bruxelles, fait la queue pour les toilettes. Juste devant lui, une grande blonde patiente. Elle lui accorde un regard, puis lui demande s’il accepterait de tenir son sac à main.
Il lui faut quelques minutes pour réaliser qu’il s’agit de Paris Hilton, héritière, star de téléréalité et DJ, qui doit performer au festival dans la soirée. La starlette lui demande ce qu’il fait dans la vie. Lorsqu’il répond qu’il est comédien à Bruxelles, elle lui demande s’il ne voudrait pas lui montrer son lieu de travail.
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Prétexte à une longue embardée poétique, musicale et humoristique, cette aventure rocambolesque aux côtés de la blonde la plus célèbre du globe touche à tous les registres. Notre Paris Hilton de fiction — on ne saura pas si l’anecdote est vraie — se retrouve ainsi dans le lieu de culture bruxellois, à interpréter un rôle de concert avec le concierge des lieux… avant de revenir mixer à Tomorrowland, son programme initial.
Un plaidoyer à la frontière du réel…
Pour raconter son histoire, le comédien, un brin émouvant, multiplie les références, récite (et fait réciter à une spectatrice !) un poème, joue même de la guitare… Y a-t-il encore un rapport avec la question de départ ? Pas vraiment. Sympathique, ce court et drolatique plaidoyer n’offre pas de solution contre la montée de l’extrême droite, ni d’idée révolutionnaire pour sauver le monde. En revanche, il nous convainc volontiers qu’un peu d’imagination recèle bien des plaisirs. Après tout, un spectacle, se doit-il, toujours d’arriver à destination ?
Emma Poesy, Envoyée spéciale à Reims
Paris et Miki de Michaël De Cock
Présenté les 30 et 31 janvier 2025 à la Comédie de Reims, dans le cadre du festival FARaway
Mise en scène de Michael De Cock assisté de Bahar Temir
Scénographie de Stef Depover
Graphisme Nour Abdo