Qu’est-ce qui vous a donné envie d’être comédienne et metteuse en scène ?
Odile Sankara : L’art vivant est avant tout un espace de liberté, surtout en tant que femme et citoyenne. C’est un moyen puissant de prendre la parole, d’exprimer nos pensées et de questionner le monde. Sur scène, la liberté d’expression prend toute son ampleur, et c’est cela qui m’a attirée vers le théâtre.
En quelques mots, quel est votre parcours ?

Odile Sankara : Il est un peu atypique. J’ai commencé tard, à l’université de Ouagadougou, en troisième année, en prenant l’option art du spectacle. Cet apprentissage, pourtant assez théorique, m’a ouvert les yeux sur une discipline et une pratique. Dans la foulée, j’ai suivi la formation proposée par l’école de théâtre de l’UNEDO (Union des ensembles dramatiques de Ouagadougou). Puis, en 1991, j’ai intégré la compagnie Feeren, où j’ai continué à apprendre auprès d’Amadou Bourou.
Ensuite, ma carrière m’a menée à La Réunion, puis en France, notamment à Belfort, où j’ai fait la connaissance de Jean Lambert-wild. Nous avons eu un bon feeling, ce qui a entraîné une collaboration artistique de plus d’une décennie. Nos chemins se sont un peu éloignés, nous avons chacun vaqué à d’autres projets et nous nous retrouvons aujourd’hui avec cette nouvelle création autour du Roi se meurt de Ionesco.
Quelle a été votre réaction quand Jean Lambert-wild vous a proposé ce projet ?
Odile Sankara : Un grand plaisir. Ce qui est plutôt amusant, c’est que j’ai déjà joué le rôle de Marguerite en 2018 au Burkina Faso, dans une mise en scène de Fargass Assandé. Mais ce qui m’a motivée à retrouver ce personnage et l’écriture d’Ionesco, c’est avant tout la perspective de retravailler avec Jean. Il a une folie créative incroyable, et j’étais curieuse de voir son interprétation de la pièce.
Il faut aussi parler de Catherine Lefeuvre, qui l’assiste et collabore à tous ses projets. Si Jean est la folie artistique, elle en est la colonne vertébrale. Elle réunit les énergies, soutient les artistes et veille à l’équilibre du travail collectif. Sans elle, cette dynamique de création ne serait pas la même. Leur complémentarité donne une force exceptionnelle aux projets qu’ils portent ensemble.
Comment décririez-vous le travail sur le plateau ?
Odile Sankara : Jean apporte une dimension clownesque qui transforme la pièce. Le Roi se meurt parle de la mort, un sujet profond et tragique, mais par le prisme de Jean, nous sommes dans un univers où l’humour et l’absurde prennent le dessus. Cela permet d’offrir une relecture contemporaine d’Ionesco, tout en restant fidèle à son essence. C’est passionnant.
Vous êtes aussi, depuis 2019, présidente des Récréatrales, un Festival majeur à Ouagadougou. Comment continue-t-on à créer dans un contexte international complexe ?
Odile Sankara : Aujourd’hui, la création est difficile partout, et encore plus en Afrique. Mais les Récréatrales sont un moment de résistance et de rassemblement, où le théâtre ne se vit pas dans des salles de spectacles, mais dans les cours des maisons, qui deviennent des scènes à ciel ouvert. Les habitants et les familles du quartier où est basé le festival sont totalement impliqués. C’est à la fois une communion d’artistes et une célébration du peuple. Cet événement, assez unique en son genre, donne de l’énergie, de l’espoir et prouve que l’art peut rassembler un continent entier.
C’est d’autant plus vrai qu’entre deux éditions de cette biennale, nous organisons de nombreux ateliers et rencontres entre artistes – qu’ils soient comédiens, metteurs en scène, auteurs ou scénographes. La langue n’est même plus un obstacle.
Vous participez aussi régulièrement aux Francophonies des écritures à la scène à Limoges. Pourquoi est-ce important de soutenir ce festival ainsi que la Francophonie ?
Odile Sankara : C’est un espace de rencontre et d’échanges culturels. Ce festival permet aux artistes des pays francophones de partager leurs visions du monde et d’enrichir leurs pratiques. Plus que jamais, dans un contexte de repli sur soi à l’échelle internationale, il faut préserver ces lieux de dialogue, car ils sont la preuve que la création n’a pas de frontières. C’est un acte politique !
Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Le Roi se meurt d’Eugène Ionesco
Le Manège de Maubeuge
Théâtre Léo Ferré
Rue du Foyer
59620 Aulnoye-Aymeries
le 25 février 2025
Durée 1h45
Tournée
5 au 7 mars 2025 au Le Théâtre de Lorient – Centre dramatique national
Le 25 mars 2025 à l’Espace Jean Legendre- Théâtre de Compiègne
2 octobre au 9 novembre 2025 au Théâtre de l’Épée de bois (La Cartoucherie – Paris)
Direction de Jean Lambert-wild
Collaboration artistique – Catherine Lefeuvre
Avec Jean Lambert-wild, Odile Sankara, Nina Fabiani, Vincent Abalain, Aimée Lambert-wild, Vincent et le petit cochon Pompon
Scénographie de Jean Lambert-wild & Gaël Lefeuvre
Création lumières de Marc Laperrouze
Costumes de Pierre-Yves Loup-Forest
Réalisation du squelette – Gaston Arrouy
Réalisation de la marotte du Roi Bérenger 1er – Didier Durassier
Régie générale : Vincent Desprez, Régie lumière : Dorian André, Régie son : Maël Baudet & Régie plateau : Agathe Dalifard
Accompagnent du petit cochon Pompon – Aimée Lambert-wild