Il était une fois… tous les contes commencent ainsi. Celui imaginé par Samuel Gallet ne déroge pas à la règle. Il était une fois, donc, dans un pays lointain, des géants qui vivaient en harmonie au cœur d’une forêt luxuriante. Tout crime leur était inconnu, jusqu’à son nom même. Ainsi, meurtre, viol, pollution et autres arnaques n’existaient ni dans leur vocabulaire, ni dans les faits.
Un jour, la mort a pointé son nez, semant la zizanie dans la tribu et décimant toute une partie de la population. C’en était trop. Enfermée et envoyée au loin, la Faucheuse a donné naissance aux hommes et laissé les géants esseulés. C’est ainsi que se termine la fable que raconte, tous les soirs, une jeune femme à son enfant. Un jour, elle le lui promet, un portail s’ouvrira vers ce pays innocent, où ils pourront être heureux ensemble, loin d’une terre en perdition, ravagée par les guerres et les catastrophes climatiques.
Alternative fantastique aux drames du quotidien
Un matin, elle jette son tout-petit vétu d’une tenue de spationaute protectrice par la fenêtre de leur appartement du 8e étage. Le garçon meurt. Tout l’accuse et pourtant, devant la juge d’instruction, elle soutient une autre version que celle du fait divers sordide. Une porte vers un monde parallèle se serait ouverte où elle aurait lancé son fils chéri pour qu’il ait une belle vie. Délire ou réalité ? La frontière est mince. Tordant les faits, Samuel Gallet entraîne le public dans un univers onirique où les certitudes vacillent et où les croyances sont mises à rude épreuve.
Ainsi, loin de la terre des hommes, de leurs vicissitudes et de leurs méfaits, il est possible de rêver à un ailleurs vierge et innocent. Une utopie ? Peut-être, mais espérer fait aussi partie de notre nature humaine. Et si, tout simplement, ce lieu existait dans nos cœurs et nos âmes d’enfant ? Avec candeur, l’auteur et metteur en scène poursuit, à travers son exploration des fables contemporaines et écologiques, sa réflexion sur notre lien avec l’autre et avec la nature.
Si l’on peut regretter que le conte se perde parfois dans certaines digressions et pistes inachevées, l’interprétation habitée des quatre comédiens — Gauthier Baillot, Fabien Chapeira, Olivia Chatain et Caroline Gonin —, soutenue habilement par les musiques expérimentales jouées en direct par Mathieu Gaulin et Nadia Ratsimandresy, insuffle ce qu’il faut d’épique au récit. Même si des interrogations demeurent, la magie opère. Le Pays innocent n’est peut-être pas qu’un mirage…
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Le Pays innocent de Samuel Gallet
la pièce est publiée aux éditions Espaces 34
Théâtre Gérard Philipe – Centre dramatique national de Saint-Denis
59, boulevard Jules-Guesde
93207 Saint-Denis Cedex
du 6 au 14 février 2025
Durée 1h30 environ
Tournée
20 février 2025 à L’Arc – Scène Nationale du Creusot (71)
7 au 10 mai au Théâtre Joliette – Marseille (13)
15 mai à la Scène Nationale de Dieppe dans le cadre du festival DSN (76)
Mise en scène de Samuel Gallet
Avec Gauthier Baillot, Fabien Chapeira, Olivia Chatain, Caroline Gonin, Mathieu Goulin, Nadia Ratsimandresy
Musique de Mathieu Goulin et Nadia Ratsimandresy
Dramaturgie de Pierre Morice
Scénographie et costumes d’Aude Vanhoutte
Lumière d’Ivan Mathis
Son de Fred Bühl
Régie lumière de Martin Teruel
Construction du décor – Benoit Dervieux
