À part le droit de séjourner en France, le devoir de travailler comme un forçat, le père de Xavier Le Clerc était Un homme sans titre. Ce Kabyle « n’était pas un héros » mais un taiseux qui, comme le dit son fils, « s’est déraciné pour que ses enfants s’enracinent ».
Jean-Louis Martinelli et Mounir Margoum ont su tirer toute la théâtralité de ce formidable récit d’un style remarquable. En parlant de son père, Xavier Le Clerc adresse un vibrant hommage à son géniteur, mais dresse aussi un dramatique tableau d’une partie de notre histoire : celle de l’Algérie Française, de l’Algérie (tout court), de l’exil pour fuir la misère, des 30 glorieuses et de son besoin de manœuvre, de la crise et son rejet de l’étranger, de la condition des immigrés, mais aussi celle de la femme et de l’homme. Et puis, il y a aussi l’histoire de ce Hamid Aït-Taleb, enfant sensible, traversé par de grands rêves, qui s’est construit dans tout cela et qui, pour vivre comme il l’entendait, a changé de nom.
Un plateau nu sur lequel est installée la fameuse table de cuisine en formica jaune et quatre chaises. Au fil du récit et des naissances, auxquelles viendront s’ajouter d’autres chaises, fauteuils et tabouret d’enfants. Le metteur en scène nous fait ainsi voyager, passant de la Kabylie à Caen, de l’appartement au bureau de poste… Seul en scène, l’épatant et émouvant Mounir Margoum porte ce récit avec une telle droiture que bien des spectateurs ont cru que c’était son histoire. Le plus beau compliment que l’on puisse faire à un comédien ! Transporté, le public du Manège s’est levé d’un bond pour applaudir à tout rompre cette formidable prestation.
Marie-Céline Nivière – Envoyée spéciale à Maubeuge
Un homme sans titre d’après le livre de Xavier Le Clerc
© Éditions Gallimard
Spectacle créé le 9 janvier 2025 au Manège Maubeuge – Scène Nationale Frontalière
Tournée
14 et 15 janvier 2025 au Cratère scène nationale d’Alès (30)
24 et 25 mai 2025 à la scène nationale Châteauvallon-Liberté (83)
Adaptation de Jean-Louis Martinelli et Mounir Margoum
Mise en scène et scénographie de Jean-Louis Martinelli
Avec Mounir Margoum
Lumières de Jean-Marc Skatchko
Musiques de Joan Cambon
Régie générale – Sébastien Rufin
