Quelle est la genèse de J’ai dans la tête un sac qui frappe ?
Sylvain Sounier : Cela fait longtemps que ce spectacle me trotte dans la tête. J’avais envie de partager au plateau mes aspirations de comédien et mes désillusions pour de montrer ce que signifie l’engagement chez un acteur. À vingt ans, tu es plein de rêves, à trente ans, tu te prends des murs et à quarante ans malgré tout, tu continues. Je souhaitais raconter cela, faire part des grandes et intenses expériences que j’ai pu vivre, avec Vincent Macaigne ou avec Sylvain Creuzevault, mais aussi toutes les blessures qui m’ont permis de construire ce que je suis aujourd’hui. On ne sort pas indemne de ces aventures collectives.
C’est un récit très personnel…
Sylvain Sounier : Bien sûr. J’entrecroise ma vie intime et ma vie professionnelle. L’une fait écho à l’autre. Les pièces dans lesquelles j’ai pu jouer, m’ont forgé, m’ont nourri. Certaines expériences ont été traumatiques. Le terme est fort, mais il correspond à une réalité. Quand j’ai décidé de devenir acteur, mon plus grand souhait a été de rencontrer Vincent Macaigne. J’admirais sa manière de faire théâtre, d’être en permanence à la frontière du performatif. Je pensais que grâce à lui, j’allais devenir un acteur unique. J’ai fait un spectacle sous sa direction. Et j’ai découvert ce que signifiait l’engagement de soi. Je raconte certes l’histoire de Sylvain, il a mon prénom, nous avons vécu des choses similaires, mais il n’est pas tout à fait moi. C’est un passionné qui vit une épopée.
C’est-à-dire ?
Sylvain Sounier : Quand je voyais ses créations, j’avais l’impression que les comédiens jouaient tous les soirs leur vie sur le plateau. Cela me fascinait. Je voulais connaître cette sensation. J’ai eu la chance de le rencontrer et qu’il me fasse confiance. Et là, j’ai rencontré le réel ainsi que mes limites, sa folie et la mienne. Mais attention, je ne me plains pas, j’étais volontaire. J’avais juste besoin de m’exprimer sur ce vécu, que je tourne en boucle depuis longtemps dans ma tête. C’est d’ailleurs de cette image-là que vient le titre du spectacle.
Vous exprimez, via ce spectacle, une manière de dépasser cela ?
Sylvain Sounier : Oui. J’avais besoin de dépasser cette rumination permanente, de revivre des choses du passé dans mon corps pour aller de l’avant et créer du présent.
Comment porter cela au plateau ?
Sylvain Sounier : En évoquant mon ressenti. Je suis parti de ce que j’ai vécu pendant les répétitions d’Au moins j’aurai laissé un beau cadavre, spectacle qui a été créé en 2011 à Avignon au Cloître des Carmes. L’acteur que je suis sur scène en prend vraiment plein la poire. C’était très intense. Cela dit beaucoup de mon engagement et de nos folies communes. Je retraverse de mon point de vue l’œuvre de Shakespeare, mais aussi celle de Marx, en parlant de mon expérience avec Creuzevault sur Le Capital et son singe. D’une forme de chaos chez l’un, de jeu de postiches chez l’autre, naît une poésie brute, radicale. C’est comme si c’était un peu un espace mental que j’ouvrais et où j’invite le public dans ma tête.
Quel a été votre matériel d’écriture ?
Sylvain Sounier : Quand on répétait Le Capital et son singe avec Sylvain (Creuzevault), on avait pris l’habitude, à sa demande, de faire un truc qu’il appelle les fanfarons. Tous les soirs, chacun écrivait un résumé de sa journée pour en faire état devant les autres. J’ai tout gardé, cela m’a permis d’avoir un premier substrat pour écrire mon spectacle. Puis assez rapidement, j’ai demandé à Maxime (Kerzanet), qui est un grand ami que j’ai rencontré au Conservatoire, de me rejoindre et d’être mon regard extérieur. J’improvisais devant lui et il me donnait ses impressions tout en composant des musiques pour aller sur mes mots. Comme une évidence, il m’a rejoint au plateau. Cela a permis de donner une dimension plus universelle à mon récit. Ensuite, Amélie Vignals, la scénographe, a intégré l’équipe. Elle s’est inspirée de ce qu’elle voyait pour donner une couleur esthétique au spectacle. L’idée était d’aller davantage vers des figures que des personnages réels.
Imbriquer théâtre et musique était important pour vous ?
Sylvain Sounier : Cela fait l’identité du spectacle, ainsi que la mienne. Comme je l’évoquais plus haut, la musique a fait partie intégrante du processus créatif. Maxime joue en direct des morceaux de sa composition assez électro, auxquels il entremêle des hits qu’il revisite, comme Les Paradis Perdus de Christophe.
Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
J’ai dans la tête un sac qui frappe de Sylvain Sounier
Festival Bruit
Théâtre de l’Aquarium
2 route du champ de manœuvre
75012 Paris
31 janvier et 1er février 2025
durée 1h25
Mise en scène et jeu – Sylvain Sounier et Maxime Kerzanet
Scénographie d’Amélie Vignals
Maquillages – Mityl Brimeur
Création lumière de Gaëtan Veber
Régie lumière – Hugo Dragone
Costumes de Jennifer Minard
Musique de Maxime Kerzanet
Son de Pierre Routin